C'est un excellent article de sciences sociales, en décembre 2015, par une équipe du National Bureau of Economic Research (NBER, Cambridge, USA) sur une problématique non étudiée. Mais le principe de Plank, prix Nobel de physique, est repris dans une citation en première page :"une nouvelle vérité scientifique ne triomphe jamais en convainquant les opposants et en leur faisant voir la lumière, mais plutôt parce que ses opposants finissent par mourir, et qu’il arrive une nouvelle génération à qui cette vérité est familière". L'article du NEBR fait 70 pages bien documentées.. et c'est un travail énorme !
J'ai traduit le début du résumé : "Nous avons étudié la mesure dans laquelle d'éminents scientifiques façonnaient la vitalité de leurs champs en examinant les taux d'entrée dans les domaines de 452 scientifiques universitaires qui étaient morts à l'apogée de leur carrières scientifiques. La clé de nos analyses est une nouvelle façon de délimiter les frontières autour des champs scientifiques en faisant appel uniquement à des liens intellectuels entre les scientifiques et leurs publications, plutôt que la collaboration ou des modèles de co-citations. Conformément aux recherches antérieures, le flux des articles des collaborateurs affectés par le décès diminue abruptement après la mort d'un scientifique éminent (par rapport à des domaines comparables). En revanche, le flux des articles par des non-collaborateurs augmente de 8 % en moyenne. Ces contributions supplémentaires sont beaucoup plus susceptibles d'être les plus cités. Ces contributions étaient aussi plus susceptibles d'avoir des auteurs qui n'étaient pas déjà actifs dans le domaine du scientifique mort. Globalement, ces résultats suggèrent que les 'étrangers' sont réticents à contester le leadership dans un champ quand le leader est vivant et que des obstacles peuvent limiter l'entrée, même après la disparition.
Les noms, âge et date de la mort, domaine de recherche des 452 scientifiques sont en annexe (tous aux USA). La discussion propose de nombreuses hypothèses pour expliquer cette observation. Il existe des barrières à l'entrée, et peut-être que des protections diverses et méconnues existent. Les auteurs croient peu aux barrières au niveau des attributions de financement, ou au niveau du peer-review. C'est probablement plus discret…. L'ombre de Goliath, et des convenances intellectuelles et sociales peuvent être évoquées.
Merci à Pierre Giorgio qui m'a signalé l'analyse sur Slate.fr dont le titre est "La mort des chercheurs fait avancer la science".
