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Les marionnettes de l’industrie pharmaceutique ne toucheraient pas d’argent !

Points clés

Note : le 31 mars 2023, j’ai rajouté une note sympa en bas de ce billet.

Dans Le Monde du 1 mars 2023, j’ai lu la tribune intitulée ‘Les patients atteints de cancers doivent avoir accès à l’innovation thérapeutique‘ sous-titre ‘Le médecin Hervé Avet-Loiseau et le patient Laurent Guillot s’insurgent contre l’interdiction par la Haute Autorité de santé (HAS) d’un nouveau médicament traitant un cancer de la moelle osseuse’. J’ai lu que l’un des auteurs, PU-PH de Toulouse, n’avait pas de lien d’intérêts avec les labos, et que l’autre, représentant l’Association française des malades du myélome multiple (AF3M), déclarait que l’association avait des soutiens de labos, dont le labo concerné par la tribune.

La Tribune ne m’a pas convaincu…  par son ton, par sa critique de la HAS, etc..

Une partie de billard entre industries, citoyens/politiques et Agences

Ces deux experts commentent une décision qualifiée d’inique‘ de la HAS et critiquent les statisticiens adeptes des essais randomisés. Je suis allé lire la décision de la HAS discuté dans la Tribune. J’ai retenu deux passages de cet avis :

  • La Commission de la Transparence considère qu’en l’état actuel des données, et dans l’attente notamment des résultats de l’étude de phase III randomisée CARTITUDE4, CARVYKTI (ciltacabtagene autoleucel), comme ABECMA (idecabtagene vicleucel), n’apporte pas d’amélioration du service médical rendu (ASMR V) dans la prise en charge des patients adultes atteints d’un myélome multiple en rechute et réfractaire, ayant reçu au moins trois traitements antérieurs, incluant un agent immunomodulateur, un inhibiteur du protéasome et un anticorps antiCD38 et dont la maladie a progressé pendant le dernier traitement. [NDLR : les phrases de 85 mots sont merveilleuses !]
  • CARVYKTI (ciltacabtagene autoleucel) n’est pas susceptible d’avoir un intérêt de santé publique.

N’étant pas oncologue, je ne peux juger ce conflit entre des experts et une Agence de santé. La position de la HAS est simple, claire et courageuse : ‘ce produit n’apporte rien’. Dans ce jeu classique à trois (Agences, Industries, Citoyens relayés par les Politiques), ce sont en général les Agences qui perdent. Ceci a été très bien montré aux USA à propos des décisions de la FDA dans le domaine des anticancéreux mis sur le marché sans données de qualité (voir billet d’août 2019).

Cette tribune évoque une classe de médicaments, CAR-T, qui est prometteuse. Lors des prix du SPEPS (Syndicat de la presse et de l’édition des professions de santé) de novembre 2022, j’avais relayé les articles primés. L’un concernait ces traitements : ‘Circuit pharmaceutique des lymphocytes T à récepteur chimérique (CAR-T cells) : quels sont les rôles du pharmacien hospitalier ?‘. J’ai demandé le coût de ces traitements, et j’ai eu une information qui n’est pas dans l’article : 300 à 400 000 €… Je ne sais pas si c’est le prix exact.

Transparence santé devrait être un lien automatique pour tout article.

Un collègue, que je remercie et dont je respecte l’anonymat, a eu la curiosité de consulter le site Transparence santé qui contient les déclarations des liens des experts. Erreur de ma part.

Pour le Pr Hervé Avet-Loiseau, il y a des relations avec l’industrie pharmaceutique. C’est assez difficile de compiler tout cela (27 pages de 10 lignes, et 4 lignes en page 28), depuis septembre 2012 jusqu’à octobre car t h avet loiseau v22022. En bref, plus de 270 déclarations pour probablement plus de 200 000 € (à la louche) dont des liens avec le labo supporté dans la tribune. L’association de patients reçoit aussi pas mal d’argent, et tout est transparent sur Transparence santé et sur le site de l’association. Je veux bien que le Pr Hervé Avet-Loiseau n’ait pas de lien depuis octobre 2022… Je le crois, en sachant qu’il existe une inertie du site Transparence santé qui met parfois en ligne avec retard des informations.

A noter que la première version de la tribune (version papier du Monde) disait qu’il n’y avait pas de lien et que sur le site, version électronique (copie écran ci-dessus) il y a l’ajout octobre 2022. La plupart des recommandations concernant les déclarations de liens d’intérêt évoquent de prendre en compte au moins 3 ou 5 ans passés. Je suggère fortement au Pr Avet-Loiseau de déclarer qu’il a des liens.

J’ai consulté sur le site du NEJM les déclarations des liens d’intérêts des auteurs d’un article de juillet 2022. Je félicite le Pr Avet-Loiseau d’être un des co-auteurs. Dans cet article, le Pr Avet-Loiseau n’a pas de lien déclaré avec des industries. Il serait intéressant de rechercher les déclarations dans les autres articles dont le Pr Avet-Loiseau est co-auteur.

Dans certaines spécialités, dont la cancérologie, les industries cajolent les bons experts. Pour J Baselga aux USA, c’est le New York Times qui avait alerté sur les non-déclarations de liens d’intérêts. Il avait été mis en évidence un laxisme des comités de rédaction des revues scientifiques. Il y a d’autres cas…

Que fait la police ?

L’ancien président de la HAS est-il tombé sur la tête ?

Note ajoutée le 31 mars 2023 :

Une dépêche APMnews de fin mars nous apprend un truc marrant : l’ancien président de la HAS, le Pr Jean-Luc Harousseau, en remet une couche. Il a cautionné la politique de la HAS de 2011 à 2015, et il n’avait pas de relation avec l’industrie. Ce médicament de Janssen est facturé 420 000 € HT. L’estimation est qu’il y aurait 740 patients par an. Il a écrit à la HAS pour défendre le médicament et reprocher l’évaluation faite par la commission de transparence. Homme politique, il est bien placé pour prendre la tête du cortège des marionnettes et la HAS ne fera pas le poids !

Rappelons qu’avec d’autres, le Pr JL Harousseau avait défendu l’hydroxychloroquine et le Pr D Raoult dans le Figaro (5 avril 2020). Dans les deux cas, ne rien dire l’aurait honoré.

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6 commentaires

  • Bonjour Hervé,
    La « police » s’en fout, c’est ce que j’ai fini par comprendre après 20 ans d’activisme contre les conflits d’intérêt.

    Répondre
  • Merci pour ce complément du 31 mars !
    J’écrivais pour ma part en 2020 : (https://www.jle.com/download/ito-317336-46917-ah_jai_vu_jai_vu…-273386-u.pdf)
    « J’ai aussi été frappé par ce quarteron de professeurs en retraite qui est venu, comme d’autres comités à qui on n’avait rien demandé, préconiser la mise à disposition de l’hydroxychloroquine à tous les patients, sans attendre les résultats des essais thérapeutiques. “Ne perdons plus de temps”… surtout pour dire des sottises ! Voilà des retraités qui, du temps où ils étaient actifs, ont montré la plus grande rigueur dans la conception et la mise en place des essais cliniques et qui, l’âge venant, pour ne pas se faire oublier sans doute, brûlent leur toge et leur blouse blanche en public. La vieillesse est un naufrage…»
    Outre Jean-Luc Harousseau, il y avait dans ce quarteron Dominique Maraninchi et Fabien Calvo, anciens présidents ou directeurs de l’INCa. On ne les entend plus, d’ailleurs… Philippe Douste-Blazy, qui avait raté le coche, les a rejoints ensuite.

    Répondre
    • Bonsoir,
      c’est inacceptable et c’est effectivement similaire à la maladie des Nobel qui a touché L Montagnier.
      Ils ne semblent pas répondre à mes billets

      Cdlmt

      Répondre
  • Le Pr Casassus que je remercie m’a adressé ce commentaire ci-dessous :

    Cher Hervé

    Je lis toujours avec grand intérêt tes commentaires dans ce journal « Revues & intégrité », dont je ne cesserai de vanter l’utilité !
    Je vais oser, pour une fois, donner un point de vue qui peut être pris au moins pour un « bémol » à l’un d’entre eux, intitulé : « Une partie de billard entre industries, citoyens/politiques et Agences ».

    Je commence par indiquer mes « conflits d’intérêt » : non pas financiers avec des laboratoires (cela m’est arrivé bien modestement dans ma carrière, par exemple pour des voyages aux congrès (notamment de l’ASH) payés par tel ou tel laboratoire ou parce que j’avais fait une conférence de formation dans un labo (mais évidemment cela n’a jamais retenti sur ma façon de prescrire mes traitements) … mais il est vrai que je n’ai jamais été un « grand leader »).
    Mon conflit d’intérêt est des liens d’amitié anciens et forts avec plusieurs de ceux que tu cites.
    J’ai été membre (co-fondateur) de l’intergroupe francophone du myélome (IFM), qui regroupe tous les spécialistes du myélome de France et de Belgique. Parmi eux, mes amis Hervé Avet-Loiseau (aujourd’hui à Toulouse, qui est un biologiste, qui a beaucoup amélioré l’étude des marqueurs de membrane, l’analyse du rôle des marqueurs génétiques dans le pronostic et le suivi moléculaire des rémissions) et Jean-Luc Harousseau, ami de longue date, qui (après avoir été comme moi à St Louis chez Jean Bernard) a été aussi président de la HAS… à l’époque où j’y ai sévi. Tous deux ont aussi été présidents de l’IFM.
    J’ose affirmer que ce groupe a beaucoup contribué aux progrès (enthousiasmants) dans le traitement du myélome depuis 30 ans.
    Harousseau , lui, a été vraiment un leader et, comme cela a été habituel, a été chassé par nombre de labos qui, évidemment, cherchent davantage à avoir l’avis de personnalités reconnues que d’hommes de l’ombre.
    La démarche de porter attention aux risques que cela puisse aboutir en retour à altérer le discours de l’expert est justifiée. Cela ne signifie pas cependant qu’ils sont « tous pourris », comme on dit…
    J’ai assisté il y a bien longtemps à un congrès international (de l’ASCO je crois) à Kos (l’ile d’Hippocrate !).
    Il y a eu une après-midi consacrée au myélome, qui a commencé par une intervention d’un californien déjà célèbre, James Berenson, à propos de l’usage des bisphosphonates pour traiter les lésions osseuses du myélome. J’étais un prescripteur convaincu de ce traitement… pour les manifestations osseuses des poussées du myélome. Et, effectivement, cela a été incontestablement un progrès. Mais la conclusion de son intervention était qu’il fallait le prescrire au long cours de façon systématique : cela n’était absolument pas validé et nous savions tous qu’il était aussi un conseiller du labo californien qui produisait ces bisphosphonates. Je crois qu’il n’y avait guère d’auditeur dupe ! Mais, voilà en effet l’utilité de faire la chasse aux conflits d’intérêt !
    Comme tu le suggères aussi, on peut être un peu agacé par la vitesse ultrasonique avec laquelle les conférenciers font passer la diapo indiquant leurs confits d’intérêt…
    Mais il y a aussi le risque inverse ! L’excès de précautions vis-à-vis des nouveaux traitements, parce qu’on manque de recul, notamment sur le plan des effets secondaires, peut être – est souvent ! – préjudiciable !
    Comme tous les leaders d’essais thérapeutiques ont des liens avec l’industrie, c’est aussi facile de jeter sur eux la suspicion. Il m’est arrivé, en fin de carrière, où effectivement mes conflits d’intérêt étaient nuls, d’être appelé comme expert dans des réunions de la commission de transparence. J’ai vu qu’il y avait eu, il y a quelques temps, un expert venant de Lyon, qui a été finalement récusé parce que son voyage en train avait été payé par un labo. Je me demande si cela est toujours pertinent…
    En discutant avec mes anciens collègues (je continue de me maintenir au courant), je vois qu’ils sont très soucieux de l’attitude de la HAS, notamment, qui est d’une pusillanimité incroyable vis-à-vis de ces nouveaux traitements (CAR-T cells par exemple, mais j’ai connu cela avec les précédents traitements ciblés qui ont déjà bouleversé le pronostic du myélome !).
    Il faudrait que dès les premiers essais on montre un résultat évident, alors que, toujours, les premiers essais concernent des malades résistants à X lignes (parfois 6 ou 7 dans le myélome), et où un premier résultat de réponse même partielle est déjà plein d’espoir… pour l’époque où le même traitement sera donné en début de maladie. Dire que ce traitement n’apporte rien est purement… HONTEUX.
    Mais c’est l’habitude à la HAS par excès de prudence de minimiser le SMR donné aux médicaments analysés (cela m’a frappé chaque fois que j’ai eu à faire un rapport).
    Alors que, 3 ou 4 ans après, la conclusion doit être revue à la hausse.
    Ce sera évidemment le cas pour ce nouveau traitement (hyper-cher, certes, mais c’est un autre sujet !) qui probablement ne sera pas à prescrire à tous les myélomes, ni en « TT d’attaque », mais dont tous mes collègues compétents voient qu’il s’agit même – enfin ! – d’une chance de vraie guérison !
    Je vais, pour finir, illustrer cette crainte de l’attitude d’extrême prudence des agences, qui mène à des décisions délétères, par donner un souvenir personnel.
    Un de mes malades était en rechute de myélome à une période où venait d’être démontrée l’efficacité d’un traitement ciblé, le lénalidomide (Revlimid®), chez les malades en rechute – avant que soit prouvée secondairement son utilité en première ligne thérapeutique, puis même en traitement d’entretien après une réponse initiale. A cette époque, comme il n’avait pas encore reçu l’AMM, on pouvait l’obtenir en ATU en envoyant une demande à l’ANSM.
    Celle-ci m’a été refusée parce qu’il avait une insuffisance rénale (liée à son myélome) …. comme si je n’étais pas capable d’en tenir compte dans son usage en le prescrivant ! (Mais il est vrai qu’à l’ANSM je n’avais à faire qu’à des pharmaciens). Donc : pas de traitement : mon malade est mort dans le mois qui a suivi, mais ce n’était pas un accident imputable à l’ANSM…

    Un dernier mot à propos de l’IFM.
    Cette association regroupe donc tous les spécialistes du myélome, notamment de France (tous les CHU et les hôpitaux généraux qui ont aussi une activité de ce type).
    Elle reçoit des dons de l’industrie… volontairement de tous les labos qui ont des molécules utilisables dans cette maladie afin qu’il n’y ait pas de préférence pour un labo.
    L’IFM est régulièrement amené à participer à de nombreux essais dont le promoteur est un de ces industriels (… sans doute satisfaits de l’efficacité des investigateurs de l’IFM).
    Mais ces dons ont permis aussi de financer des essais thérapeutiques dont l’IFM était promoteur. Par exemple, un essai randomisé testant l’intérêt du lénalidomide en première ligne chez les malades ne pouvant bénéficier d’une autogreffe de moelle. Cet essai a été positif et a mis en valeur l’intérêt du produit… mais il aurait pu être décevant pour le labo…
    Il avait coûté plus d’un million d’euros à l’IFM. (Lotfi Benboubker, M et al. Lenalidomide and Dexamethasone in Transplant-Ineligible Patients with Myeloma. N Engl J Med 2014;371:906-17.)

    Répondre
  • Dire que les décisions de la HAS sont « honteuses » , c’est trop facile. C’est pousser l’idée que « mon opinion » est meilleure que celle d’un ensemble de collègues qui discutent et statuent sur des données validées. Ceci revient à promouvoir les prises de positions des « experts » de l’hydroxychloroquine que tous les essais contrôlés ont contredites.
    L’evidence based medicine a encore beaucoup de progrès à faire !

    Et bravo à Maisonneuve pour son action constante pour la promotion de la transparence en médecine.

    Répondre
    • Merci pour ce commentaire… J’attire quelques critiques d’autres collègues ! ETONNANT

      Répondre

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