Dans l'ouvrage excellent Doing Global Science que nous avons présenté le premier septembre 2016 (image à gauche), il y a des cas pour discuter. J'ai choisi un cas de relecture d'un article (page 75), avec l'étape de demander l'article à la revue qui a proposé le résumé anonyme, puis la réception d'une version anonyme du manuscrit. J'ai traduit le cas ci-dessous :
Vous êtes un étudiant qui termine sa thèse de sciences (PhD) et vous avez été invité pour relire un article pour une revue pour la première fois. Le ‘peer-review’ est un système excellent et vous êtes honoré par cette demande. Vous lisez le résumé et vous savez que votre expertise vous permet de donner un avis ; vous acceptez l’invitation pour recevoir le manuscrit.
En lisant l’article, vous devinez que le premier auteur est un ami proche avec lequel vous avez travaillé et qui postule pour une position prestigieuse à l’Université. Vous remarquez que l’article contient des erreurs majeures dans l’analyse des données, et vous pensez qu’il doit être rejeté, ou peut-être révisé substantiellement.
Relisez et considérez ces 3 questions :
- Que feriez-vous dans cette situation ?
- Comment allez-vous déclarer votre lien d’intérêt ?
- Quelles sont les conséquences si vous ne dites rien dans cette situation ?
J'en ai discuté plusieurs fois avec des étudiants, et les réponses sont variables. Le chercheur honnête est mis dans une situation où toute décision est délicate. S'il est 'droit dans ses bottes', il risque de se fâcher avec un ami qui pourrait l'aider dans sa propre carrière…..
Vos commentaires ????
2 commentaires
Si le peer-review est anonyme, je ne vois pas où est le problème a soulever les fautes des auteurs, d’autant plus que vous mentionnez qu’il ne s’agit pas forcément de fautes intentionnelles. Je fais mes critiques, à charge au journal et aux auteurs de faire leur travail également.
Bonjour,
Avant de répondre aux trois questions posées dans le billet, je tiens à préciser à « Levant » que l’emploi du mot « anonyme » dans son commentaire est ambigu.
Est-ce que l’anonymat ici concerne les auteurs, les « reviewers » ou les deux ?
En ce qui concerne les reviewers, certaines revues leur laissent le choix entre rester anonymes ou divulguer leur identité.
Concernant le peer-review anonyme (« double-blinding peer review »), je pense qu’il pose de nombreuses limites. Le reviewer a besoin de faire une série de vérifications. Par exemple, si des conflits d’intérêt existent, si un des co-auteurs est aussi un éditeur dans cette revue (ce que j’ai identifié un jour pour un article de PloS ONE alors que les auteurs ont essayé de le dissimuler), si ce même auteur a déjà publié le même travail dans une autre revue (fraude de duplication des publications), ou si cet auteur a commis dans le passé du plagiat ou d’autres types de fraude scientifique. Sans oublier que souvent lorsqu’un chercheur soumit un article pour publication, il se réfère dans ce même article à ces travaux antérieurs et à ses publications précédentes (qui sont donc publiquement accessibles dans les bases de données bibliographiques). Comment un reviewer peut-il savoir si un auteur a exagéré dans la citation de ses travaux ou les travaux de ses collaborateurs ?
Il y a aussi une autre limite, pour les articles contenant des données « omiques » (transcriptomique, par exemple), le reviewer accède souvent aux données déposées par les auteurs sur un serveur de NCBI ou d’EBI. On ne peut pas demander à ces centres de rendre anonymes les noms des auteurs. Donc techniquement, ce système de peer-review anonyme me parait difficile à appliquer.
Revenons aux trois questions:
1- Que feriez-vous dans cette situation ?
J’informe immédiatement l’éditeur afin qu’il désigne un autre reviewer (decline review).
2- Comment allez-vous déclarer votre lien d’intérêt ?
La question ne se pose pas si je décide de ne pas évaluer l’article.
3- Quelles sont les conséquences si vous ne dites rien dans cette situation ?
Je considère cela de la corruption du processus du « peer-review ». Les conditions pour une évaluation impartiale ne sont pas réunies.
Cependant, c’est aussi le rôle de l’éditeur de vérifier les liens entres les auteurs et les reviewers.
Bien cordialement,
SM