J’ai lu avec plaisir un ouvrage du Dr Alexis Clapin aux éditions désiris : Enquêtes médicales & évaluation, avec le sous-titre bien choisi ‘De l’erreur involontaire à la fraude’.
L’auteur, neurologue, a travaillé 20 ans dans l’industrie pharmaceutique, et il connait bien le sujet. Le livre est à la fois didactique et technique, car ce sont des concepts assez difficiles à présenter de manière pédagogique. L’esprit critique de l’auteur est bon, et il explique très bien ce qu’est la causalité, et les mécanismes complexes d’autorisation de mise sur le marché pour les médicaments avec les défaillances. Il a raison d’être scandalisé par les histoires du Médiator, de la thalidomide, de la paroxétine et du Vioxx… mais il y en a beacoup d’autres.
L’ouvrage présente, avec les biais, les méthodologies de recherche clinique : enquête cas-témoins, de cohorte, transversales, le dépistage des cancers, le diagnostic des maladies. L’ouvrage explique tous les biais, et je ne les connaissais pas tous. J’ai appris des biais compliqués, et ceci doit nous ouvrir les yeux pour encore mieux lire les articles, et ne pas gober toutes ces belles histoires. Ce n’est pas parce que les mots magiques comme comparatif, randomisé, etc.. sont employés dans les protocoles et articles, que cela implique qualité et absence de biais. Les essais de non-infériorité font peur car ils justifient des AMM qui ne devraient jamais être attribuées.
Il y a des exemples précis, et l’auteur est lucide et courageux : il détaille un cas, en neurologie, d’un médicament inefficace qui n’aurait jamais dû être autorisé, mais il a apporté 30 milliards de dollars au labo (pages 174, et 239). Les experts et autorités de santé sont très passifs vis-à-vis de ces scandales connus. Ce cas est celui de l'Avonex dans la sclérose en plaque, et tous les détails sont dans un billet sur Pharmacritique.
Je recommande la lecture rapide d’abord, avant d’avoir une lecture plus concentrée pour bien comprendre chacun des biais. Il s’agir d’un livre constructif, et non pas donneur de leçons comme d’autres qui ne voient que le négatif. De bonnes références, et une description de quelques cas de fraudes. Des propositions pour améliorer le système, mais je ne crois pas que nos décideurs soient ni motivés ni capables de faire le ménage ! Le business prime sur la santé des malades contents de payer pour des leurres. Pour les biais, nous avons vu le catalogue en construction.
Je ne connais pas le Dr Clapin, bien que nous ayons échangé quelques informations à propos de mon blog. Il anime un excellent blog qui contient des informations reprises dans le livre. C’est vrai que trop d’études sont biaisées car il s’agit de vendre un produit, et l’intérêt du malade est secondaire. Détecter des biais est difficile, et je cite une phrase page 242 : « Qu’un simple lecteur ne puisse pas déceler tous les biais n’est pas bien grave. Le réel problème est que ceux qui sont chargés d’évaluer les médicaments ne le peuvent pas non plus ».
En parcourant un article de Nature reviews / Clinical oncology, je peux rassurer le Dr Clapin qu’il y a pire qu’en neurologie ! L’article intitulé ‘Low-value approvals and high prices might incentivize ineffective drug development’ discute des cas d’anticancéreux autorisés aux USA sur la base de données statistiques peu convaincantes ! Je cite « Les améliorations médianes de survie sans progression, et de survie globale pour 71 autorisations consécutives de la FDA dans le domaine des cancers métastatiques entre 2002 et 2014 étaient respectivement de 2,5 mois et de 2,1 mois ». Tout ceci est très lucratif « Pour 10 anticancéreux mis sur le marché en 2006 et 2015, nous avons estimés que les revenus médians après autorisation étaient de 1,67 milliards de dollars en 4 ans ».