Cette époque de wokisme n’a pas fini de nous étonner. Ce sont les revues scientifiques, dont le prestigieux NEJM (New England Journal of Medicine), qui se lancent dans cet exercice. C’est un éditorial en accès libre du 7 décembre 2023 qui présente des excuses. Il est signé du rédacteur en chef (EJ Rubin), et de trois autres membres du comité de rédaction.
Recognizing Historical Injustices in Medicine and the Journal
Traduction du début de l’éditorial : Il est beaucoup plus facile d’affronter les préjugés des autres que les nôtres. Mais nous reconnaissons que le Journal et d’autres institutions médicales ont, par le passé, justifié et préconisé le mauvais traitement de groupes sur la base de leur race, de leur appartenance ethnique, de leur religion, de leur sexe ou de leur genre, et de leur état physique ou mental. Nous avons donc demandé à un groupe indépendant d’historiens de produire une série d’articles couvrant divers aspects des préjugés et de l’injustice que le Journal a contribué à perpétuer au cours de ses plus de 200 ans d’existence. Nous publions aujourd’hui le premier article de cette série.
L’éditorial fait une page et explique que ce sont des faits anciens. La série d’articles a été proposée à des historiens plutôt que de considérer des republications d’articles problématiques. La série sera incomplète, et l’objectif n’est pas d’augmenter les peines existantes.
Le premier article de la série est dans le même numéro, et a pour titre :
Slavery and the Journal — Reckoning with History and Complicity
Notons : Mais les relations du Journal avec l’esclavage et le racisme sont complexes. Les familles de ses fondateurs avaient profité de l’esclavage. Ses auteurs écrivaient avec désinvolture sur l’esclavage. Enfin, le journal constituait un forum de premier plan où les médecins perpétuaient les hiérarchies raciales avant et après la guerre de Sécession.
C’est un article d’historien bien fait. Les auteurs reprennent l’histoire du NEJM et citent les principaux articles sur l’esclavage. C’est un état des lieux sans trop de jugements.
Le dernier paragraphe : Le Journal n’a pas fait grand-chose pour lutter contre l’esclavage avant la guerre de Sécession. Il a perpétué les théories de la différence raciale et de la suprématie blanche avant et longtemps après la guerre. Il doit maintenant faire face à son passé. Cette histoire doit être rappelée et doit motiver l’action : il y a beaucoup de travail à faire. La médecine injuste et inégalitaire qui a été pratiquée pendant des siècles et les silences qui l’ont rendue possible exigent que les médecins et les rédacteurs en chef des revues s’engagent à lutter contre les inégalités en matière de santé et de soins de santé. Nous ne pouvons pas permettre que l’injustice soit à nouveau incontestée.
A-t-on besoin du wokisme ?
Je ne sais pas bien qu’en penser. Quelles limites pour refaire l’histoire ? Doit-on s’accuser et se faire pardonner de tous nos vieux péchés ?
3 commentaires
Bonjour,
Je ne comprends pas votre utilisation du terme wokisme. En effet, il semble que vous l’utilisiez dans un sens plutôt péjoratif alors qu’étymologiquement il s’agit uniquement d’éveiller les esprits (https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/repliques/qu-est-ce-que-le-wokisme-3619967). En lisant l’éditorial, il ne s’agit pas de s’excuser mais plutôt d’expliquer et de comprendre pour s’améliorer et éviter de poursuivre ou renouveler ces erreurs.
Lorsque l’on lit la littérature récente sur l’attribution inégale des greffons rénaux sur la base des formules d’évaluation de la clairance ou l’inexactitude des appareils de mesure de la SpO2, il s’agit d’un problème actuel. Je pense à titre personnel, qu’il ne s’agit pas de refaire l’histoire mais de la comprendre de manière transparente et équilibrée. Il existe comme partout des partisans et des détracteurs extrêmes mais notre rôle de scientifique au sens large est d’analyser les données (et de ne pas nous laisser piéger par ces extrêmes qui dénaturent le sens des mots). Qui accepterait d’être contre l’éveil (des consciences?) si on traduit littéralement le terme ?
Cordialement.
Bonjour
effectivement, vous me réveillez… Je suis mal à l’aise quand il s’agit d’éliminer, de s’excuser… mais expliquer est naturel et constructif.
J’apprécie votre remarque
Cdlmt
Bonjour,
Ndileka Mandela était récemment interviewée par Laura Kuenssberg, qui lui demandait si elle souhaiterait que la famille royale reconnaisse les torts que la colonisation a causés : elle y était totalement favorable. Des extraits de ses réponses sont disponibles sur le site de l’Independent : https://www.independent.co.uk/life-style/royal-family/news/ndileka-nelson-mandela-royal-family-colonialism-b2458451.html
Cordialement,