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Grandeurs et décadences des études de médecine : bravo à Céline Pulcini

Points clés

Ce livre est un roman écrit par l’une de nos collègues, et il se lit facilement, avec envie de poursuivre d’un chapitre à l’autre. Les chapitres sont courts, ce qui est agréable. Vite lu car il est passionnant et il présente très bien le parcours de 12 ans d’une héroïne, Manon, qui fait ses études de médecine. Il y a trois parties : la fac, l’internat et le stage de recherche en Ecosse.

Manon à l’école des docteurs

pulciniCette partie montre ces périodes de bachotage qui devraient être d’un ancien temps. L’auteur laisse entendre qu’elle a compris ce qu’était la pédagogie…  qui n’existe pas dans nos études de médecine. Il s’agit de régurgiter et pas de comprendre. Dans le groupe d’étudiants de ce roman, les méthodes pédagogiques ont été comprises. De la première année au passage de l’internat…  avec joies et souffrances. Je reprend un extrait (page 108) : Médecine, ce n’est pas du tout comme je l’avais imaginé quand j’étais au lycée. Je pensais qu’on allait être beaucoup plus encadré, avec un suivi personnalisé…..    On devrait aussi plus nous faire réfléchir, c’est beaucoup de ‘par coeur’ actuellement.

Je rencontre encore d’éminents collègues qui sont persuadés que bourrer le crane, apprendre 24/7 sont les bonnes méthodes. Ils n’ont pas compris que ce qui rentre dans les cerveaux sera obsolète dans 5 ou 10 ans. Il vaudrait mieux apprendre à apprendre.

Manon se jette à l’eau

C’est la période de l’internat, des stages dans divers services et divers hôpitaux de la région. Il y a toutes les relations humaines, ces étudiants mauvais que l’on identifie sans vraiment les stopper, les convenances sociales et les rapports de domination de certains. Comme tout au long du livre, il y a des noms inventés de personnages, comme par exemple le Dr JeSaisTout que nous avons tous croisé (page 167) : La soixantaine, il n’a toujours pas fait le deuil de n’avoir pas été nommé professeur dans sa jeunesse. Il pense manifestement que les internes sont là pour exécuter ses ordres sans discuter et le regarder avec adoration, impressionnés par les connaissances qu’il daigne distiller dans sa grande générosité.

Il y a toutes les caricatures de ces médecins qui manipulent les articles (page 209) : Tu te mets en premier auteur, moi en dernier, et tous les PH du service au milieu par ordre alphabétique.

Docteur Manon Phénix : la parenthèse écossaise

La troisième partie est plus courte pour narrer une année de recherche en Ecosse. Le travail bien supervisé mais avec des conflits évidents entre chercheurs, les escapades dans la campagne et les villes, les visites depuis la France,…   Sympa car la description de l’Ecosse est bien faite.

Ce livre illustre bien la citation de William Butler Yeats : ‘Education is not the filling of a pail, but the lighting of a fire‘.

 

Une interview de Mme Pulcini vous en apportera plus. Elle a voulu faire un livre vivant, rythmé et surprenant : c’est réussi. Les situations comme les relations avec les malades, la mort, les collègues, les personnels de l’hôpital sont réalistes et bien décrites. C’est difficile d’écrire un roman… je ne sais pas faire.

Les comportements humains que nous connaissons sont bien décrits, avec bien sûr quelques descriptions de harcèlement… Je recommande cette lecture car il s’agit d’un tableau réaliste des études de médecine et nous constatons que rien ne change vraiment. Ces docteurs devraient vite se préoccuper d’un monde qui change…  aura-t-on encore des enseignants quand des chatbots vont entrer à l’université ? J’ai aimé ce livre car il est sans complaisance..   et dans la vraie vie. BRAVO.

Nous attendons la suite : la vie de praticien hospitalier, avec les responsabilités universitaires…  Mme Pulcini a certainement beaucoup à dire, mais elle doit attendre sa retraite pour parler vrai, car ses pairs ne sont pas prêts à entendre des vérités.

J’ai acheté la version papier, mais le format électronique est presque gratuit : bravo. Ce roman est pour tout public : grand public qui aime le système de santé, celui qui veut comprendre les études médicales peut-être pour s’y engager, et tous nos collègues ! Félicitons Mme Pulcini et l’Académie nationale de chirurgie pour la présentation du livre lors de la séance du 6 mars 2024.

PS : comme il est dit ‘toute ressemblance avec des personnes réelles est purement fortuite‘…   mais j’ai deviné un peu….

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2 commentaires

  • Contrairement à la connaissance, l’intelligence ce n’est pas savoir comment agir, mais savoir agir quand on ne connait pas – comme l’avait énoncé Jean Piaget. Or la difficulté de toute pratique médicale, c’est justement qu’on ignore (le pire étant de croire qu’on sait) et qu’il faut décider. Plus que savant, il faut donc être intelligent.
    En faisant croire aux futurs médecins que leur objectif est de mémoriser des connaissances, on se trompe doublement. La première faute est de les pousser à s’imaginer savants (pour se conformer aux attentes), de les détourner du doute et de la circonspection, de dénier la valeur d’une capitale « culture de l’erreur » (la reconnaître, l’analyser, la prévenir). La seconde faute est de perdre dorénavant son temps et son énergie à vouloir mémoriser des données qui sont à présent en nombre exponentiel, au delà de toute capacité d’apprentissage exhaustif, rapidement obsolètes ; il faudrait au contraire consacrer tous les efforts à acquérir les compétences nécessaires pour accéder rapidement aux savoirs utiles, tous disponibles instantanément à quiconque sait utiliser les moyens numériques modernes, et pour en analyser la fiabilité, la pertinence et l’implémentabilité.
    Le monde d’aujourd’hui ne demande pas d’enregistrer des données dans son cerveau, mais de développer un cerveau doté de méthode, d’esprit critique, de raisonnement bayesien, pour se servir des formidables moyens d’accès aux données dont on a besoin – à condition d’avoir appris à s’en servir, ce qui n’est pas le plus facile.
    Il est grand temps de sortir du moyen-âge universitaire.

    Répondre
  • Il n’en demeure pas moins qu’une tête bien faite ne peut pas être vide.

    Répondre

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