Peu de données existent sur les liens d’intérêts des relecteurs de manuscrits de recherche. Le peer-review est une activité opaque. Des revues demandent aux relecteurs de déclarer leurs liens d’intérêts : est-ce analysé et par qui ? Les lecteurs n’ont aucune information sur les relecteurs, et encore moins sur leurs liens. Une courte lettre de recherche a été publiée dans le JAMA le 10 octobre 2024. Auteurs canadiens, américains essentiellement.
60 % parmi 1 962 relecteurs américains avaient des liens d’intérêts
Soyons précis : les relecteurs des quatre revues médicales prestigieuses (JAMA, NEJM, The BMJ, The Lancet) ont été extraits pour l’année 2022. Ce sont des données publiques car les revues remercient les relecteurs. Ils étaient 7 021 et parmi eux 1 962 étaient des médecins américains. ‘Nous avons extrait de la base de données Open Payments les paiements généraux et de recherche versés aux relecteurs identifiés entre 2020 et 2022, en saisissant les paiements versés par les fabricants de médicaments et de dispositifs médicaux aux médecins agréés aux États-Unis’
Les distinctions entre general payments et research payments ne sont pas faciles à identifier. Les tableaux de cette lettre sont intéressants… et considérer que ce sont des chiffres américains.. les niveaux de payements sont beaucoup plus importants que dans le reste du monde. Aux USA, la médecine est un business (et aussi une activité de santé ?). Dans cette lettre les liens d’intérêts des auteurs sont déclarés, mais aucune information sur les relecteurs !
Un détail ? Je laisse en anglais avec les chiffres car les femmes perçoivent deux fois moins que les hommes : Male reviewers had significantly higher median total payments ($38 959 vs $19 586) and general payments ($8663 vs $4183) than female reviewers.
Liens d’intérêts des relecteurs : de la poussière à mettre sous le tapis ?
La question des liens d’intérêts des relecteurs est intéressante, mais compte tenu de l’opacité du peer-review en général, comment interpréter ces observations ? Complexe :
- Combien de revues publient les noms des relecteurs ? Celles qui font de l’Open peer-review, soit peut être 20 %, mais je n’ai pas de données objectives.
- Combien de revues demandent une déclaration de liens d’intérêts aux relecteurs et sous quelle forme (déclaration écrite, sur un formulaire type ICMJE ?) ?
- Parmi les revues qui demandent une déclaration de liens d’intérêts, combien lisent ces déclarations, et qu’en font-elles ? Peut-on refuser un avis d’un relecteur, ressource très rare, quand il a déclaré des liens ?
- Qu’en savent les lecteurs de ces processus ? RIEN.
- Si les universités avaient valorisé le peer-review depuis longtemps, nous aurions des informations robustes.
Un commentaire
Merci j Jacques Robert qui m’a transmis ce commentaire
J’ai refusé d’expertiser l’an passé un article de mon domaine après que la revue, Biochemical Pharmacology, m’a demandé pour accéder au manuscrit à quelle ethnie j’appartenais, quel était mon « genre », si j’étais handicapé, et de m’engager à vérifier si les auteurs cités dans l’article étaient bien « équilibrés » entre mâles et femelles. Non, on ne m’a pas demandé d’indiquer mon orientation sexuelle ou la couleur de mes cheveux La secrétaire de rédaction, américaine, a trouvé que c’était exagéré de ma part de refuser cette collaboration « pour des raisons sémantiques » [sic]. L’éditeur (Elsevier) lui avait demandé d’être woke, elle suivait les consignes ! Le mérite scientifique, les conflits d’intérêt, pffui ! Ça ne compte pas. Il faut se donner bonne conscience et se vanter de suivre les oukases du DEI, c’est bien plus important.