Hier, j’ai résumé quelques présentations de la première journée de FAIRS à Oxford. Voici des présentations de la journée du 8 avril :
Des fraudeurs ne sont jamais poursuivis
- Patricia Murray a présenté ‘Misuse of generative therapies‘ en détaillant les fraudes avec les greffes de trachée, dont le cas de Paolo Macchiarini, ainsi que d’autres fraudes moins connues dans ce domaine (Martin Birchall, Mark Lowdell). Pas d’études animales avant les essais chez l’homme. Obtenir la rétractation des articles rapportant ces fraudes a été complexe, et c’est un article dans le BMJ qui a aidé : ‘Time to retract the Lancet paper…‘. Ce qui est frappant, c’est l’inertie des institutions et des journaux pour investiguer ces recherches, et la difficulté pour rétracter des articles. Il y a eu des morts… Des nombreux grants ont été alloués pour ces essais, la plupart suspendus ! Les leçons apprises sont terribles, voici la dernière diapo :
Bad science harms patients and wastes money
Institutions sweep serious research misconduct under the carpet
Journals don’t like retracting fraudulent papers
Some funding bodies champion reserach fraudsters
Research fraudsters usually face no consequences
Whistleblowers are often threatened with legal action
Media exposure can help.
Des malades ne devraient pas mourir !
- Le témoignage de Peter Wilmshurst était important :’40 years of investigating/reporting research misconduct’. Il a obtenue des sanctions contre 25 médecins, a poussé le retrait de médicaments (amrinone, Sterling-Winthrop) et la fermeture d’une société américaine (NMT). Pour amrinone, il a raconté les difficultés pour publier son premier essai négatif n’arrivant pas à reproduire des données dans le NEJM. Il a été accusé d’être le seul à avoir des essais négatifs ! Il a eu des menaces, des procès, a dépensé $ 300 000 pour ses avocats, remboursés par les procès. Des sociétés embauchent des experts truands pour faire des essais ! P Wilmshurst est revenu sur le cas ancien de Peter Slutsky qui publiait énormément.. et il a fallu 5 ans pour que les fraudes soient connues. P Wilmshurst a décrit d’autres fraudes cliniques…. et publié beaucoup d’articles sur ses investigations. Pour lui, il existe des réseaux de brigands, et certains sont professeurs de médecine. Son témoignage sur RetractioWatch. Un de ses articles de 2002 dans le BMJ ‘Institutional corruption in medicine‘ n’est plus en ligne pour protéger l’auteur…. la raison This article has been removed on legal advice. [10 Jun 2004] le PDF nous a été transmis !
- Nancy Olivieri a présenté ‘Are patients protected from the consequences of research misconduct? No, with 30 years of evidence’. Tout est dans le titre !! Elle a reçu le prix John Maddox en 2023. Comme d’autres dans la discussion, je suis resté sans voix... c’est sans espoir ? Beaucoup de procès… Son article dans PLOS One en 2019 montrant l’inefficacité d’un médicament n’a pas eu d écho !! La conclusion Deferiprone showed ineffectiveness and significant toxicity in most patients Combien de patients sont morts ?
- Je n’ai pas participé à l’un des 5 groupes de discussion. Puis pause et retour avec une réflexion de la chairwoman de l’après-midi :
Je n’imaginais pas que la littérature était dans cet état
Rachael Gooberman-Hill : ‘A comprehensive approach work of the UK Committee on Research Integrity’. UKCORI a été installé en 2022, et est différent de UKRIO ! Présentation du comité, de ses missions, etc… Il y a eu une nouvelle version (4 avril 2025) du Concordat to (versions de 2012, puis 2019 mises à jour), fait par UKCORI. Les signataires sont les organismes de recherche, y compris les universités. Il y a 5 commitments (image) qui ont été développés pour chercheurs, employeurs et financeurs. Elle a présenté plusieurs rapports et documents que vous trouverez sur le site UKCORI. Très impressionnant : un rapport sur les données des HEIs (Higher Education Institutions) dans le domaine de l’intégrité. Un document sur les indicateurs de l’intégrité de la recherche ! Une réflexion est commencée sur How might Generative AI affect Research Integrity? il y a 7 axes de réflexion : 1) Sector: Governance ; 2) People: Roles and responsibilities ; 3) Skills and training ; 4) Public understanding and expectations re trust and trustworthiness ; 5) Attribution and ownership ; 6) Reliability and quality of data inputs and models ; 7) Research on research integrity.
- Liz Perkins a présenté : ‘The role of institutions in detecting research misconduct and promoting research integrity’. Elle a expliqué la culture de l’intégrité à l’université de Liverpool. D’abord une enquête nationale (Wellcome) inquiétante sur l’environnement de la recherche… 380 cas investigués depuis 2014 et environ 40 à 50 cas de méconduites, voire plus, sont investigués chaque année. Je rêve en lisant le site de l’université, car je n’imagine pas une université française communiquer autant sur l’intégrité. Des essais, des recherches ont été arrêtés… Le cas de Daniel Antoine a été présenté… voir RetractionWatch ! Il a 18 articles retirés de la littérature. Il a été licencié et a trouvé un job dans une autre université…. qui a été informée ! L’université a des évaluations d’articles publiés tirés au sort… pour voir les auteurs, les données, les archives, etc…
- Li Tang (Fudan University, Shangai) a présenté : ‘The role of funding agencies in curbing academic fraud ; the Chinese experience‘. Elle a publié son travail dans Science en 2022. Des chiffres en Chine : 1 million d’articles par an, 6,4 millions de chercheurs, et $ 700 milliards en recherche. Une diapo impressionnante des étapes en intégrité depuis 1980 ! La plupart des articles rapportent des financements. En pratique, difficile de se faire une idée sur ce qui se passe en Chine en terme d’intégrité…. des ‘cash bonus’ existent encore pour des publications…. il y a des améliorations… mais insuffisantes ?
- Raphaël Lévy a témoigné sur ‘Inadequate protection for whistleblowers in France’…. beau sujet. En commençant par ‘Je sers la science et c’est ma joie’. Comparaison entre la loi et le terrain en France ! Présentation du cas du laboratoire CSPBAT (Cnrs et université Sorbonne Paris Nord) pour lequel R Lévy a été lanceur d’alerte. Présentation d’un même histogramme publié dans des articles différents… et produits par des manipulations d’images. Cas facile qui a été rapporté au Cnrs en avril 2021… longue investigation… d’abord proposition de retirer son alerte… L’investigation a montré l’existence de méconduites, suggérant des corrections plutôt que des rétractations…. Mme X avait, sans intentionnalité, manqué à son obligation d’intégrité... Puis R Lévy a été enlevé du comité d’éthique, interdit de parler du cas, déménage son bureau, etc…. R Lévy a communiqué avec des éditeurs, ce qui n’a pas plus aux autorités locales.. puis décembre 2022, article dans Le Monde.. beaucoup d’ennemis pour R Lévy… et un autre article du Monde en 2023. Présentation très utile et courageuse… sans citer le nom de la chercheuse…
Toutes les diapos sont en accès libre sur OSF
2 commentaires
L’état des lieux est réellement désolant, mais le phénomène est loin d’être récent. Depuis que je m’y intéresse un peu, c’est à dire depuis… un demi siècle (!), j’ai constaté une prévalence quasi constante des inconduites scientifiques et des mensonges éhontés dans la littérature biomédicale.
En particulier, la grande majorité des données thérapeutiques alléguées dans les années 70-80 étaient fallacieuses, un grand nombre de médications étaient gravement nocives et la plupart sans aucune utilité. De nos jours, les exigences réglementaires se sont accrues et la vigilance éditoriale s’est progressivement améliorée, ce qui nous donne l’impression que le phénomène s’est aggravé. En réalité, la santé publique me parait aujourd’hui moins exposée qu’hier aux scandaleux dangers liés à une collusion mercantile des chercheurs, des producteurs et des éditeurs, ainsi qu’à la crédulité désinvolte des autorités sanitaires et des prescripteurs.
Néanmoins la lecture régulière, par exemple, des posts de Leonid Schneider ne laisse toujours pas beaucoup d’illusions sur la qualité des travaux scientifiques et la valeur des publications. Même si la fréquence des malversations diminue, il en persiste un nombre inacceptable.
Il est nécessaire d’accroître vigoureusement la judiciarisation systématique des inconduites scientifiques, ce qui nécessite la création d’un parquet compétent, c’est à dire hautement spécialisé, donc un coûteux financement auquel doivent nécessairement contribuer les parties concernées.
Bien d’accord… Il faut garder espoir !!!