Le titre de ce billet est une phrase de la page 65 du petit livre de Yves Gingras, et dont le titre est "Les dérives de l'évaluation de la recherche. Du bon usage de la bibliométrie" (Editions Raisons d'Agir, janvier 2014). Ce livre est bien construit avec un bon historique des indicateurs de bibliométrie, dont le facteur d'impact inventé par E Garfield, qui lui même était émerveillé par la naïveté des chercheurs utilisant ce facteur d'impact pour évaluer des carrières. Les dérives n'ont fait qu'augmenter, et Garfield serait encore émerveillé s'il entendait des PU-PH français défendre son facteur d'impact pour évaluer les chercheurs, comme je l'ai encore entendu en public il y a quelques mois. Nombreux sont nos décideurs qui devraient lire ce livre, mais ils ont probablement pas lu le rapport de 2011 de l'Académie des sciences qui va dans le même sens… Sylvestre Huet, dans Libération du 24 janvier 2014, a analysé ce livre, et publié un témoignage de l'auteur : très intéressant.
Yves Gingras défend correctement la bibliométrie, en regrettant que ces indicateurs, y compris le fameux h-index, soient mal utilisés. Un court chapitre sur les origines de la bibliométrie, partie de la scientométrie, est suivi d'un chapitre "Ce que la bibliométrie nous apprend sur la dynamique des sciences". La bibliométrie est un excellent outil pour historiens et sociologues. Yves Gingras nous apporte quelques visions des sciences sociales dont nous avons besoin. Dans le chapitre "La multiplication des évaluations", l'évaluation des chercheurs est abordée, les dérives de ces indicateurs sont citées, dont le cartel des citations. Bonne remarque sur la comparaison d'un indicateur avec 3 décimales qui ne veulent rien dire….. Le dernier chapitre "L'évaluation de la recherche" nous montre l'arrivée de Scopus en 2004, et nous laisse entrevoir les dérives futures de Scholar google, reprend l'exemple grenoblois de Ike Antkare… mais Cyril Labbé est à l'honneur dans Nature du 24 février 2014 pour avoir fait publier 120 articles inventés… Nous reviendrons sur cette histoire.
Je termine par une citation de la page 90 : "Le plus irritant dans les débats sur l'évaluation de la recherche est la tendance à tout vouloir résumer en un seul chiffre. Le simplisme d'une telle démarche devient patent quand on observe que cela revient à transformer un espace à plusieurs dimensions en un espace de dimension zéro!"
2 commentaires
Les scientifiques qui utilisent la bibliométrie devraient consulter les bibliométriciens
Je viens de finir la lecture de cet ouvrage. Je le trouve très intéressant, j’ai appris pas mal, mais en même temps, je pense qu’il faut prévenir le lecteur que cela reste un livre destiné au grand public, ce qui est vraiment une démarche essentielle en effet. Espérons que les décideurs des ministères de la recherche ou les responsables de centre de recherche qui nous demande chaque année notre index h et les facteurs d’impacts de nos articles, se le procure. Maintenant, on attend avec impatience le tome 2 du livre, pour aller peut être plus en profondeur sur certains éléments techniques.. mais qui vont peut être intéresser trop peu de lecteurs.