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Les leçons de l’affaire Séralini / OGM : comment publier des recherches sans conclusion (voire fausses) ?

Points clés

Cette histoire (plutôt triste) a donné lieu à une évaluation, avec recul, par un sociologue des NIH aux USA. David Resnik a publié un long article le 25 avril 2015 dans J Agri Environ Ethics. Analyse bien faite et intéressante. La publication, la rétractation puis la republication de l’article « Long term toxicity of a Roundup herbicide and Roundup-tolerant genetically modified maize » pose de très nombreuses questions sur le fonctionnement de la science et son évaluation. Nous avons évoqué ces pratiques bizarres à la fois par l’équipe de chercheur et par les rédacteurs et reviewers des revues concernées. L’article princeps a été rétracté, puis cet article, ‘probablement faux’, a été republié par une revue complaisante ! Scandale.

L’article de Resnik se lit comme un roman et permet de réfléchir. Après une introduction générale sur les publications, et le rappel des données, Resnik discute les critiques de l’étude et liste : 1) Small sample size ; 2) Poor choice of laboratory animals ; 3) Flawed statistical analysis ; 4) Lack of experimental details ; 5) Lack of access to supporting data ; 5) Improper pathological analysis ; 6) Inadequate discussion of prior research on the safety of GM foods ; 7) Unethical treatment of animals. Cela fait beaucoup… Ensuite, les réponses de GE Séralini sont exposées, certaines de mauvaise foi (il donnera ses données sources quand les industriels le feront !) car universitaires et industriels se battent sur des opinions, pas sur des faits ! Je passe aussi sur les liens d’intérêts divers et lobbies….

Resnik fait ensuite une analyse des leçons pour les rédacteurs car il ne prétend part arbitrer les acteurs, et il a raison (tous de mauvaise foi). Fallait-il rétracter cet article en l’absence de fraude ou de malveillance ? Fallait-il une ‘expression  of concern’ bien détaillée ? Il examine en détail les faits avec les recommandations de COPE et sa conclusion : Les rédacteurs avaient le choix de ne pas rétracter ou de rétracter avec des raisons valables selon COPE, du type ‘violations of animal welfare guidelines or serious flaws in the research design that undermined the reliability of the study’.

Resnik a de bonnes réflexions sur la republication des articles rétractés… et il note que la republication n’a pas été exactement celle du même article, et alors le manuscrit republié aurait dû suivre un processus rigoureux de peer review pour répondre à toutes les questions en suspens.

La critique du peer review est majeure ! Les rédacteurs savaient certainement que ce papier ferait parler de leur revue, et cela a joué en faveur d’une décision de publier, même si les reviewers (dont les noms n’ont pas été divulgués) avaient des critiques sévères. Le peer review ouvert est quand même plus éthique !

Notons que les rapports des académies françaises n’ont pas traversé l’Atlantique et c’est dommage… Ils ne sont pas cités par D Resnik.. Dommage…. Car rarement 6 Académies ont un tel consensus !!!!!! Félicitons ces Académies d’avoir été réactives et d’avoir pris des positions claires : Académie nationales d’Agriculture, de Médecine, de Pharmacie,  des Sciences, des Technologies, et Vétérinaire.

Merci à David Resnik

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4 commentaires

  • Hervé,
    Merci pour votre avis que vous avez bien voulu partager dans ce billet. Mais vos conclusions me semble-t-il, sont en opprosition de celles de cet artice paru dans une grande revue de sociologie mexicaine en Avril 2015 et dont voici le lien http://www.revistasociologica.com.mx/pdf/8408.pdf, version qui a été récemment traduite en français et que vous trouverez à l’adresse: http://www.implications-philosophiques.org/pdf/Piron-Varin.pdf
    Sans vouloir vous obliger à épouser ces conclusions, il me semble qu’elles sont plus pertinentes à mon humble avis. Par conséquent, je vous serez reconnaissant de prendre connaissance de ce texte et de nous faire part de votre niuvelle position.
    MERCI

    Répondre
  • Bonjour,
    Merci pour ces excellentes références que je conseille de lire.. Bonne réflexion sur le mélange entre science et politique par GE Seralini. Sa stratégie est intelligente pour un combat d’opinions. Il est à regretter que cette question soit un combat d’opinions, car la solution ne viendra jamais de bagarres d’opinions. En ce sens ces 2 articles sont très sages, avec de bonnes analyses.
    Il y a 3 points sur lesquels j’ai des commentaires :
    1) me traiter d’intégriste est amusant car nous demandons la même chose, à savoir la transparence des décisions des revues ; nous sommes en parfait accord sur le fait que les décisions des reviewers et rédacteurs devraient être transparentes, mais peu d’experts militent pour un peer review ouvert…. Avec publications des avis des reviewers; personnellement mes avis sont ouverts et je suis pour le développement de sites comme Publons ;
    2) nous divergeons sur un point : je pense qu’il faudrait des expérimentations avec des méthodes correctes pour répondre et éviter les combats d’opinions ; personne ne veut cela car cela supposerait un protocole de recherche fait par GE Seralini, Monsanto et les agences de régulation ; s’ils étaient sages et intelligents, ils travailleraient ensemble pour le bien de tous ; je suis certain que dans 10 ans nous serons dans la même incertitude avec des guerres d’opinions. Je n’aurai pas d’avis sur les OGM tant que des recherches correctes méthodologiquement ne seront pas publiées. GE Seralini et Monsanto sont des manipulateurs et les agences laissent faire……..
    3) Mélanger science et politique ne fera jamais avancer le débat ; la science ne peux pas répondre en 2015 sur cette question… Restons sage et sachons gérer l’incertitude….
    Cdlmt
    H Maisonneuve

    Répondre
  • Etant toxicologue réglementaire, je me permets une petite remarque :
    Il y a actuellement une suspicion, voire une dénégation systématique des travaux académiques sous le prétexte qu’il ne répondent pas aux critères de la science reglementaire qui est censée reposer sur des tests robustes, fiables, pertinents, reproductibles) .
    Les résultats de la recherche académique doivent être soumis à tout un réseau d’experts en vue d’être utilisable par la science réglementaire.
    Alors que les travaux académiques sont bien souvent refaits, critiqués par des pairs, les travaux des industriels ne sont jamais refait, jamais soumis à des pairs (car les données sont protégés par le secret des affaires) , sauf aux agences de régulation.
    On sait que pour des cas comme le tabac, les boissons sucrées, le BPA, les pesticides, etc., les études menées par l’industrie sont statistiquement plus favorables, plus rassurants que les études académiques.
    Enfin, l’EFSA a édité en 2010 un guide de la recherche bibliographique destiné aux industriels. Ce guide recommande de n’utiliser que des études faites sur des tests standards : dans ses conditions, il est bien évident que l’industrie concernée (puisque c’est elle qui monte les dossiers de demande d’autorisation de mise sur le marché pour ses produits commerciaux) ne trouvera rien, car les études peer review ne sont jamais faites avec des tests standard et car les études académiques utilisent souvent des méthodologies originales. Qui plus, est, si les chercheurs académiques étaient contraints de ne travailler qu’avec des tests standardisés, ils ne trouveraient jamais rien !

    Répondre
  • Merci infiniment pour votre remarque utile et pertinente sur les questions de toxicologie.
    Je ne suis pas surpris par votre commentaire, voire inquiet. Il y a des dialogues de sourds, et personne ne veut réellement avancer sur le plan scientifique. Nous aurons des batailles d’opinions pendant longtemps.

    Répondre

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