Il y a beaucoup de données sur cette question, et l'article "From protocols to publications: a study in selective reporting of outcomes in randomized trials in oncology", publié par des oncologues américains dans Journal of Clinical Oncology (JCO), confirme qu'il faut agir.
Ils ont analysé 74 essais randomisés (oncologie) publiés en 2012 dans JCO (55), NEJM (17) et The Lancet (2). Il y avait 86 critères primaires de jugement (9 essais ayant plus d'un critère primaire !). En moyenne, ces essais avaient inclus 609 patients (extrêmes 74 à 3171), et 81 % étaient des phases 3, et 54 % sponsorisés par l'industrie. Les résultats ont montré des différences entre protocoles et publications , 9 essais avaient des différences pour le critère de jugement principal. Parmi les 579 critères de jugement non primaires, 373 (64 %) étaient dans les publications ; 28 études avaient un total de 65 critères, dont 50 non identifiés dans l'article comme nouveaux critères. Les publications dites positives avaient plus de critères et d'analyses non planifiés dans le protocole, par rapport aux études négatives.
Les auteurs proposent une initiative pour mieux rapporter les essais randomisés : CORRE (Comprehensive Outcomes Reporting in Randomized Evidence).
Cet article a plein de données, et est très intéressant, bien discuté. Les 15 pages de 'supplementary appendix' (accès gratuit) sont bien faites, avec les 74 essais inclus et toutes les données. En fait, s'il est explicitement dit dans la publication que des critères ont été omis, et des critères ajoutés par rapport au protocole, tout est correct. Le problème vient du fait que tout ceci est dissimulé. En 2012, il y a moins d'erreurs que les protocoles/publications de 152 essais chirurgicaux entre 2007 et 2012 (publié dans Annals of Surgery 2013).
Le projet COMPARE fait la même chose avec les essais des revues prestigieuses…
Un commentaire
Bonjour,
le problème n’est pas seulement la dissimulation, c’est aussi la pertinence clinique des critères choisis. A l’évidence multiplier les critères de jugement et introduire des critères ou analyses non planifiés a surtout pour objectif d’obtenir des résultats positifs à la fois plus satisfaisants pour les auteurs (plus d’audience, plus de chances d’être publiés, plus de chances d’attirer des financements de l’industrie pharamaceutique qui aime les résultats positifs…). Mais on sait qu’en multipliant les critères de jugement on a des chances de finir par tomber sur des critères dont les résultats sont positifs par le pur fait du hasard (et qui donc ne seront pas reproductibles). Ce qui veut dire qu’en multipliant les critères on cherche surtout à obtenir des résultats positifs pour obtenir des résultats positifs.
Les critères choisis doivent avoir une pertinence clinique et être justifiés et légitimés , sans quoi leur utilité pour informer les décisions des agences, les choix des médecins et des patients est douteuse.Ce choix des critères pertinents cliniquement n’a aucune raison d’être modifié en cours de route s’il est bien réfléchi et argumenté en amont.