Depuis longtemps, je fais partie d'un courant minoritaire en expliquant que le peer-review (PR) single-blind et double-blind n’est ni intègre ni éthique, et que seul l’open PR est acceptable (les définitions sont nombreuses, voir en fin de billet). Mon premier billet sur cette position est de 2013.
Tous les chercheurs sont, à juste raison, très attachés au PR, et je le suis aussi. Il y a de nombreuses données pour cela. Des enquêtes ont montré que les chercheurs privilégiaient le PR aveugle, avec divers arguments dont ceux de protéger les meilleurs relecteurs face aux séniors pleins de pouvoir de nuisance.
La revue Nature, fin août 2018, a publié un compte rendu d’une réunion de 90 experts des sciences de la vie sur la question de l’Open PR : Publish peer reviews. Comme ils disent « We took care to include conservative voices but the nature of the meeting attracted people ready for change ». Ce compte rendu est accompagné d'un éditorial anonyme signé Nature "Opening up peer review. A transparent process to publish referees’ reports could benefit science, but not all researchers want their assessments made available". Je rappelle que Nature utilise un PR double-blind. ASAPbio a signé la lettre ouverte pour l'Open PR. Il y a 331 signataires le 18/11/18, dont un seule revue en France avec 4Open de EDP Sciences (Claus Roll). L’article mérite lecture car il présente :
- L’histoire de l’Open PR avec les précurseurs dans les années 1999 à 2003 : BMJ, groupe BMC (BioMed Central), Atmospheric Chemistry and Physics ; dans les années 2006 à 2016, d’autres revues et plateformes ont adopté l’Open PR avec Biology Direct, The EMBO Journal, eLife, F1000Research, PeerJ, Nature Communications.
- Des expériences ont été discutées, avec les rédacteurs de European Journal of Neuroscience ayant observé de meilleurs avis de lecture, et des avis plus rapides depuis l’adoption de l’Open PR ; des rédacteurs ont partagé les consultations de ces avis de lecture : environ 10 % sont couvertes, d’autres servent pour l’enseignement, etc..
- Un tableau récapitule les avantages de publier les avis de lecture : les avis sont constructifs et de bonne qualité ; présente mieux les raisonnements scientifiques, l’évolution des concepts ; augmente la confiance ; rend les décisions des rédacteurs plus transparentes ; permet de valoriser le PR en accordant des crédits à ce travail académique qui doit être reconnu ; fournit des ressources pour la formation ; permet de mieux étudier et analyser le PR.
L’article appelle à l’adoption de l’Open PR, et il est signé par des nombreuses entités. L’Open PR devrait décoller. Une lettre ouverte invite à rejoindre ce mouvement, et je regrette que ce débat n’existe pas réellement en France. La fin de l’article : « La science s’éloigne de la critique et des désagréments. S’exposer à ce processus, inconfortable pour certains, est une démarche saine pour la science ».
Les modes du Peer-Review :
- PR Single-Blind : le relecteur a le nom de l’auteur, mais l’auteur ne sait pas qui étaient les relecteurs ; ce modèle est le plus répandu ;
- PR Double-Blind : le relecteur n’a pas le nom de l’auteur, et l’auteur ne sait pas qui étaient les relecteurs ; dans ce cas, des revues demandent deux manuscrits à la soumission, l’un d’eux étant ‘anonymisé’… par exemple la revue Nature ;
- PR Open : le relecteur a le nom de l’auteur, et l’auteur a le nom des relecteurs car les avis sont signés ; il y a des variantes : 1) les avis signés sont mis en ligne avec l’article (Open reports) ; 2) les avis signés ne sont pas divulgués aux lecteurs ; 3) les avis signés ne sont pas divulgués aux lecteurs, mais les noms des relecteurs sont divulgués (Open identities). Il existe 122 définitions pour l'Open PR.