Nous avons évoqué hier la série d’articles du NEJM (New England Journal of Medicine) intitulée ‘Recognizing Historical Injustices in Medicine and the Journal‘. Le NEJM a été silencieux entre 1935 et 1944 sur ce qui se passait en Allemagne, alors que le JAMA (Journal of the American Medical Association) publiait les lettres d’un correspondant à Berlin. Que font les revues en 2024 ?
Deux types d’articles dans les revues médicales
- Les articles de recherche, articles originaux, font état de données de soins et de santé pendant les conflits. Ils exposent des lésions dues aux combats, leur prise en charge sur un plan médical, parfois sociétal mais pas politique. En temps de guerre, il existe des règles internationales, dont celles de protéger les civils. Pour exemple, je choisis un article de la revue Conflict and Health (revue qui publie sur tous les conflits et leurs conséquences) du 8 décembre 2023 intitulé ‘Attacks on Ukrainian healthcare facilities during the first year of the full-scale Russian invasion of Ukraine‘. Il y a 6 auteurs : 2 hollandais, 2 américains, 1 suédois et 1 ukrainien (de UHC, Ukrainian Healtcare Center, Kiev). L’article est médical, avec introduction, méthodes, résultats, conclusion sans positions partisanes. La conclusion est : During the first year of the full-scale Russian invasion of Ukraine, there were 334 attacks on 267 Ukrainian healthcare facilities documented by the UHC. Heavy weaponry was commonly used, and the direct impact of attacks was considerable in terms of facility damage and casualty tolls. On pourrait deviner des positions partisanes… Nous nous n’avons pas toujours des données du monde russe. Sujet délicat.
- Les éditoriaux, points de vues, lettres et autres correspondances de tous types. Ces formats exposent des opinions basées ou non sur des données factuelles. Pour exemple, en 2014, une lettre partisane, pro-palestinienne, dans The Lancet avec pour titre ‘An open letter for the people in Gaza’. Cette lettre avait créé une polémique… qui s’était calmées par la publication de 20 commentaires (10 lettres pour chacune des parties !) et le déplacement du Rédacteur en chef, R Horton, en Israël pour s’excuser. J’ai rapporté cela en 2014 avec la merveilleuse conférence de R Horton sur les collaborations scientifiques entre juifs et arabes (vers 38 min 30 sec, il explique comment il a découvert son père à l’âge de 7 ans en Norvège). Cette vidéo est actuelle en 2024.
Des positions sur les conflits en cours sont exprimées, et des discussions parfois chaudes sont observées. Pour exemple, un éditorial du BMJ Global Health soumis le 16 octobre 2023, accepté le 18, avait pour titre ‘Violence in Palestine demands immédiate resolution of its settler colonial root causes‘. Cet éditorial a été commenté dans une lettre publiée le 7 novembre 2023 (soumise le 31 octobre) intitulée ‘Importance of a braoder view of the Israel-Hamas war‘. Ces éditoriaux ont été suivis d’autres confrontations entre les auteurs. Les liens d’intérêts des auteurs doivent être explicites.
Militants ou neutres pour les rédacteurs en chef des revues
Il y a des controverses au sein des rédactions. Fin 2023, et en 2024, le JAMA a publié 4 lettres sur ces controverses. La dernière lettre (28 mars 2024) concerne la position de la rédactrice en chef, Kirsten Bibbings-Domingo. Son propos commence ainsi : Nous répondons au point de vue de Greenland et al qui propose une forme de modération du contenu des revues médicales. Greenland et al suggèrent que les articles traitant des soins de santé et des conséquences sanitaires en temps de guerre évitent assidûment de discuter de la politique de guerre. Si le JAMA et d’autres revues médicales pratiquent couramment la modération du contenu dans le cadre du processus d’édition, l’application de la modération du contenu par les rédacteurs médicaux est basée sur la qualité et l’importance de la science et des perspectives pour la médecine et la santé publique. Greenland et al proposent quelque chose de tout à fait différent. Ils insistent sur le fait qu’un domaine spécifique de contenu, les conséquences de la guerre sur la santé, devrait être réglementé et soumis à la modération par toutes les revues médicales.
The Lancet aussi évoque périodiquement les conflits actuels. Un éditorial du 6 avril de R Horton, rédacteur en chef, intitulé ‘Offline: The death of civilian immunity‘, se termine ainsi : Pourtant, en examinant les six derniers mois, une personne raisonnable devrait conclure que les communautés politiques, juridiques, humanitaires et sanitaires internationales n’ont pas assumé leur responsabilité la plus fondamentale, à savoir protéger la vie des civils. La norme de l’immunité civile, un principe éthique et juridique fondamental, a été mise à mort, d’abord par le Hamas, puis par le gouvernement israélien. L’ignominie est pour nous tous.
Des revues sur les conséquences en santé des conflits
Il en existe plusieurs, pour exemple Medicine, Conflicts and Survival, ou Alternatives humanitaires, excellente revue française, ou Conflict and Health, etc… Citons les objectifs de la revue Conflict and Health : Le journal offre une plateforme mondiale pour diffuser des études perspicaces et percutantes. Celles-ci couvrent un large éventail de sujets de santé publique, notamment la prévention et le contrôle des maladies infectieuses, la nutrition, la santé reproductive et maternelle, la violence sexuelle et sexiste, la santé mentale, les maladies non transmissibles, les systèmes de santé et l’éthique dans les conflits et les crises humanitaires.