Comme les cas O Voinnet, C Jessus, Mme A Peyroche a été accusée d'avoir manipulé des images dans des publications. Elle a été directrice par intérim du Cnrs (décembre 2017), et a été contrainte de se retirer temporairement de sa carrière scientifique pour raisons médicales. Il est difficile de supporter les critiques après avoir occupé le devant de la scène. La gestion de ce cas n'a pas été géniale, et les combats de l'ombre ne sont pas à l'honneur de la science…. avec fuites dans la presse grand public.
Ce sont des dénonciations anonymes sur le site PubPeer fin 2017 qui ont alerté la communauté scientifique. L'Express (8 octobre 2018) et Le Monde (19 janvier 2018, puis 9 octobre 2018) ont décrit en détail le cas de Mme Peyroche, en particulier en révélant un rapport d'enquête du CEA (Commissariat à l'Energie Atomique) décrivant des manipulations d'images dans des articles scientifiques.
L'article de l'Express du 8 octobre détaille le cas d'Anne Peyroche avec ce titre : "Le rapport accablant contre l'ex-patronne du Cnrs". L'Express a décrit un rapport de l'Académie des Sciences destiné à rester confidentiel. Ce rapport a examiné 5 articles (2001, 2003, 2007, 2009 et 2011). Les images ont des manipulations, collages, assemblages qui ne sont pas acceptables en 2018. Il y a 22 inconduites dont 6 falsifications de niveau 4 (modifiant l'interprétation des figures ou du texte). La conclusion du rapport de l'Académie des Sciences : "Pour conclure, il paraît peu douteux que des inconduites difficilement acceptables aient été commises dans la rédaction des cinq articles incriminés. La responsabilité partielle et totale de Mme A Peyroche apparait clairement, même si on peut se demander comment des premiers auteurs ou des auteurs correspondants aient eu un regard aussi furtif sur des publications dans lesquelles ils avaient une responsabilité majeure."
L'article de l'Express est explicite : "Malgré la gravité de ces conclusions, les directions du CNRS et du CEA ont décidé d'enterrer le rapport de l'Académie des Sciences. Cette attitude suscite colère et incompréhension de certaines huiles des deux organismes mais aussi à l'Académie des Sciences, d'ordinaire très feutrée, sidérée que l'on ait pu s'asseoir sur un rapport portant des accusations de fraude aussi lourdes."…. "Il faut ajouter que Frédérique Vidal, la ministre de la Recherche, a tout fait pour protéger la chercheuse fautive."
Je vous suggère une lecture attentive d'un billet de l'excellent blog de Sylvestre Huet, membre du CoFIS (Comité Français de l'Intégrité Scientifique) alertant la communauté scientifique et le grand public sur les comportements de Mme la Sinistre : "Lettre ouverte à Frédérique Vidal, ministre en charge de la recherche et de l’enseignement supérieur". Supportons Monsieur S Huet en qui nous pouvons faire confiance car il est clair et courageux. Je cite un paragraphe de cette lettre à lire tranquillement à l'heure de l'apéro. Cette lettre est sage, modérée, mais appelle la communauté scientifique a plus de transparence, sans accuser les inconduites que la plupart des chercheurs ont suivies il y a 15 ans :
"Oh, bien sûr, cette intervention n’a pas laissé de trace écrite dans les archives. Mais elle fut. Elle ne fit pas qu’entraver le processus de traitement de la faute commise. Elle signifie surtout l’envoi d’un message désastreux à la communauté scientifique. Un message selon lequel une faute commise doit être sanctionnée… sauf si vous avez été nommé à un poste de responsabilité dans notre système de recherche public, après un passage par le cabinet du ministre, rue Descartes. Un message aux dirigeants d’EPST et d’Organismes de Recherche les avertissant que le discours officiel sur l’intégrité à ses limites pratiques, celles des proches du pouvoir politique."
C'est toujours pareil : les étudiants plagient, fraudent, c'est inadmissible ! Mais quand c'est un chercheur, un haut responsable… rien vu, rien entendu, circulez….. On pourrait croire que l'OFIS (Office Français de l'Intégrité Scientifique) aide la communauté pour mieux investiguer les cas, et faciliter les décisions explicites… mais ce n'est pas sa mission… S'il était indépendant, il pourrait s'auto-saisir et cosigner la lettre ouverte de Monsieur Sylvestre Huet. Mais le CoFIS regarde les combats, sans aider les acteurs. Sa mission cachée est-elle de protéger les responsables ?
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