Un truc fréquent ?
Un collègue respecté explique fièrement comment il a publié 12 articles, à partir d’analyses de la base qu’il a créée lors de sa thèse. Il a fait une enquête électronique sur des pratiques de laboratoire avec un questionnaire de quatre pages et il a eu 230 réponses. Il a des données dans des tableurs excel bien organisés. Il peut transmettre des données à des collègues pour préparer des manuscrits.
C’est une bonne performance. Publier 12 articles avec ces données a été relativement facile, car il a choisi 12 revues très différentes. Le premier article est original. Les autres articles reprennent souvent des données de l’article princeps, et il y a des redondances entre les articles. L’article princeps n’est pas toujours cité dans les autres articles. Il a ciblé des revues de spécialités dans des domaines différents, sans bien préciser les disciplines des chercheurs ayant répondu à l’enquête.
Qu’en pensez-vous ?
- C’est un bon exemple et je lui demande des conseils car il pourra m’aider dans ma carrière
- Je ne peux pas imaginer que chacun de ces 12 articles apporte une contribution originale, et je ne ferai jamais cela
- Je lui explique que c’est de la mauvaise science et que je désapprouve ses pratiques
- Je pense que cette mauvaise pratique nuit à la science, et je vais informer les rédacteurs des revues ayant publié les 5 derniers articles. Je ne sais pas encore si je vais informer mon collègue de ma démarche.
Quel serait votre comportement ?
Réponse 1 : ne soyez pas naïf, car c’est une pratique connue sous le nom de salami, ou de LPU (Least Publishable Unit). Il n’est pas responsable de publier trop d’articles sur une même recherche.
Réponse 2 : ne jamais adopter cette pratique semble raisonnable, mais la question de fond est : devez-vous informer d’autres collègues ? Vous avez connaissance d’une pratique douteuse de recherche dans votre entourage… devenez-vous complice en ne disant rien ?
Réponse 3 : bonne conduite, mais à quoi servira d’en parler avec lui seul ? Il va vous écouter et ne rien changer à ses comportements. A nouveau, devenez-vous complice en ne disant rien à d’autres collègues ou au référent intégrité scientifique de votre organisation.
Réponse 4 : informer les rédacteurs de revues peut être fait, mais votre collègue doit être en copie de vos mails aux revues. En effet les rédacteurs des revues vont faire suivre vos commentaires aux auteurs en demandant s’ils reconnaissent les faits. Les rédacteurs des revues auront tendance à solliciter votre organisation pour demander un rapport avant de prendre des décisions comme un erratum, une mise en garde voire une rétractation.
Diederik Stapel
Ce type de cas nous rappelle le comportement de Diederik Stapel en Hollande. En très bref, ce professeur médiatique, devenu doyen, donnait des tableurs excel aux étudiants thésards en leur disant qu’il avait des données d’enquêtes. Les étudiants pouvaient les utiliser pour leurs thèses et faire des articles. Ce sont trois étudiants qui ont découvert que ces tableurs ne différaient que par des multiples sur toutes les variables. Ce fût un long chemin des étudiants pour dénoncer un doyen !!! Très long chemin, mais résultat : 58 articles retirés de la littérature et exclusion de D Stapel des universités hollandaises.
Text Recycling Research Project
Il existe un projet américain qui travaille sur le réutilisation de données dans des publications. Ce n’est que partiellement la situation présentée ci-dessus, mais vous y trouverez de bonnes réflexions. Je l’ai présenté en juillet 2021, mais il n’avance pas beaucoup.
Les cas proviennent de situations réelles adaptées pour n’identifier personne ; ce sont des cas personnels, des cas d’autres collègues, ou des cas empruntés à dilemma games. Tous les cas d’intégrité scientifique de ce blog sont sur cette URL.