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La littérature sur les méconduites est biaisée car les fraudes sont trop représentées

Points clés

Cette étude de portée (scoping review) est intéressante car elle montre que la littérature scientifique discute énormément les cas emblématiques de fraudes en oublient toutes les pratiques douteuses en recherche qui sont bien plus fréquentes. Il s’agit d’un article bien fait mis en ligne le 30 avril 2021 par la revue BMC Medical Ethics. Le titre : ‘A scoping review of the literature featuring research ethics and research integrity cases‘ et lire les 14 pages est rapide car il y a de grandes illustrations. La recherche documentaire de mars 2018 a été faite dans PubMed, Web of Science, SCOPUS, JSTOR, Ovid, et Science Direct.

J’ai traduit le paragraphe résultats du résumé : ‘Un total de 14 719 documents ont été identifiés, et 388 articles ont été inclus dans la synthèse qualitative. Les articles contenaient 500 descriptions de cas. Après application des critères d’éligibilité, 238 cas ont été inclus dans l’analyse. Dans l’analyse des cas, la fabrication et la falsification étaient les violations les plus fréquemment observées (44,9 %). La non-conformité aux lois et règlements, comme l’absence de consentement éclairé et d’approbation d’un comité d’éthique, était la deuxième violation la plus fréquente (15,7 %), suivie par les problèmes de sécurité des patients (11,1 %) et le plagiat (6,9 %). 80,8 % des cas concernaient les sciences médicales et de la santé, 11,5 % les sciences naturelles, 4,3 % les sciences sociales, 2,1 % l’ingénierie et la technologie, et 1,3 % les sciences humaines. La rétractation d’un article était la sanction la plus fréquente (45,4 %), suivie de l’exclusion des demandes de financement (35,5 %).’

re et ri bmc ethicsLa discussion apporte beaucoup de réflexions : il s’agissait de collecter les cas discutés. Des revues scientifiques qui emploient des journalistes pour publier des news sont très représentées (Nature, Science, NEJM, Lancet, BMJ..). J’ai repris ci-contre le tableau 1 qui liste les cas les plus discutés. Ce sont des cas emblématiques que nous connaissons bien, sauf peut-être l’essai CNEP (continuous negative extrathoracic pressure pour de la ventilation en réanimation) en Angleterre. La discussion apporte des suggestions pour mieux écrire les notices de rétractation qui ne sont ni complètes ni transparentes.

Cette étude montre que la littérature fait croire que quelques chercheurs sont les ‘bad apples’ et que les cas sont découverts, investigués et traités ! Erreur car l’intégrité de la recherche ne se limite pas à ces quelques cas…  c’est une question systémique avec beaucoup de pratiques douteuses peu évoquées dans la littérature. L’impression est aussi que les cas sont surtout américains et anglais… erreur peut-être due à la recherche documentaire basée sur des mots-clés en anglais. Pourquoi les sciences médicales et de la santé sont surreprésentées dans ce travail ? Quelques hypothèses sont discutées.

Il n’y a pas assez de publicité sur tous les cas de méconduites, et ceci explique la déformation de la littérature. La dernière phrase de cet article : ‘La prédominance des cas de fabrication et de falsification pourrait détourner l’attention de la communauté universitaire de violations et de questions éthiques pertinentes mais moins visibles, ainsi que de formes de mauvais comportements récemment apparues.’

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3 commentaires

  • Avez-vous eu connaissance de l’article https://forbetterscience.com/2021/05/12/remember-charles-henri-lecellier/ sur le blog de Leonid Schneider ? Le ton est donné dès le premier paragraphe « The Raoultization of French science continues. The idea is apparently to establish a total kakistocracy of academic research, a glorious future where only fraudulent science, bunk and quackery is published, for the glory of France. This article is to celebrate another such promotion. »

    Le cas échéant, je serais curieux de connaître votre avis….

    Répondre
  • Cher collègue
    Au nom des lecteurs du blog d’HM, je vous remercie de nous avoir appris ce délicieux vocable « kakistocracy » (enfin… peut-être étais-je le seul à ne pas le connaître ?) et d’avoir fourni un lien vers ce site engagé et salutaire ! Il faudra bien un jour sauver l’honneur de la science française si malmenée par les instances qui la « dirigent »…
    Cordialement
    Jacques Robert

    Répondre
    • Merci à vous pour votre réponse. Je suspecte fortement ce vocable, assez savoureux en effet, d’être une création de l’auteur du blog en question. Cela dit si ce dernier est effectivement engagé, j’ai l’impression que son esprit critique laisse trop facilement place à ses convictions.

      En effet il a récemment publié deux articles à charge contre le glyphosate, qui me semblent faire défaut en matière d’analyse scientifique. En particulier il s’appuie sur des études sans les analyser de manière approfondie et invoque des arguments qui ne relèvent tout simplement pas de la science.

      N’ayant pour ma part pas le bagage scientifique nécessaire, je peux seulement constater que ses conclusions vont à l’encontre des sites que je suis régulièrement (il ne s’agit donc pas de cherry-picking !) : celui d’Hervé Maisonneuve bien sûr, celui de l’AFIS, Science-Based Medicine, Ars Technica, Skeptoid, … qui me semblent tous bien plus rigoureux que le sien, mais ce n’est peut-être bien sûr qu’un biais de confirmation de ma part…

      Cordialement

      Olivier

      Répondre

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