Des règles d’auteurs décrites dans le protocole, mais un bon à tirer signé par un collègue !
Je suis engagée dans une recherche clinique internationale avec d’autres équipes (8 pays), et un article a été accepté dans l’une des cinq revues médicales les plus prestigieuses.
Il avait été convenu que chacune des 8 équipes aurait un seul auteur, les autres investigateurs étant listés parmi les contributeurs non-auteurs. J’ai été la coordinatrice française, j’ai assuré la gestion française du projet et j’ai inclus le plus de cas en France. Le manuscrit a été, comme prévu dans le protocole, soumis avec mon nom parmi les 8 collègues co-auteurs.
Quand je reçois le sommaire électronique de la revue, je m’aperçois que mon chef de département est parmi les 8 auteurs à ma place, et que je suis remerciée dans l’article.
Je prends immédiatement rendez-vous avec lui, et il m’explique qu’il a voulu me rendre service. Les épreuves sont arrivées quand j’étais en vacances, et ma secrétaire lui a fait suivre les épreuves pour relecture et bon à tirer. Il m’explique qu’il n’a pas voulu me déranger, il a signé à ma place. Il était initialement listé parmi les contributeurs non-auteurs. La revue a accepté le bon à tirer.
Quelles options possibles pour corriger l’article ?
- Je ne fais plus rien ; je suis la seule femme dans l’équipe française de recherche clinique.
- J’écris au rédacteur en chef de la revue pour demander de publier un erratum afin de mettre mon nom à sa juste place, en enlevant le nom de mon chef de département ; je joins le protocole et les règles d’attribution de la qualité d’auteur.
- J’écris à tous les sept co-auteurs que je connais bien en leur demandant de co-signer cette demande au rédacteur en chef.
- Je demande au directeur de l’établissement hospitalier de conduire une enquête pour établir que je devrais être auteur comme l’atteste la version du manuscrit qui a été soumise. Le résultat de cette enquête sera envoyé au rédacteur en chef de la revue. Je n’ai pas d’affiliation universitaire, dont je ne peux pas solliciter un référent intégrité scientifique.
Qu’en pensez-vous ? Est-il possible de changer les auteurs d’un article publié ?
Cette situation est simple, mais difficile à corriger. Un rédacteur en chef ne publiera un erratum pour changer des noms d’auteurs que s’il a des données explicites pour le faire. Une simple lettre de l’un des auteurs sera renvoyée à tous les co-auteurs pour leur demander un avis commun.
Pour obtenir un erratum, le chef de département doit signer qu’il retire son nom. Dans ce cas, il n’a pas voulu.
La situation 4 est possible, mais est-ce que l’établissement hospitalier saura faire ? Dans ce cas, il n’y avait pas de référent intégrité scientifique dans l’établissement hospitalier, comme dans la plupart des établissements. L’auteur, chef de département, n’avait pas signé avec une affiliation universitaire ; une université ayant un référent intégrité scientifique pourrait conduire une enquête. Seule une enquête locale signée par une autorité scientifique (chef de l’établissement ou plutôt de la commission médicale) pourrait convaincre un rédacteur en chef.
La situation 3 suppose que le chef de département français signe une lettre pour retirer son nom, avec tous les autres auteurs.
La situation 1 a été choisie par défaut, car dans l’équipe française, aucun soutien écrit n’a été obtenu pour demander au chef de département de changer d’avis. Seule femme dans une équipe masculine, beaucoup de soutiens oraux ont été exprimé, mais aucune collègue de l’équipe française n’a accepté de signer une lettre de réclamation.
Les cas proviennent de situations réelles adaptées pour n’identifier personne ; ce sont des cas personnels, des cas d’autres collègues, ou des cas empruntés à dilemma games. Tous les cas d’intégrité scientifique de ce blog sont sur cette URL.
3 commentaires
« il m’explique qu’il a voulu me rendre service » Plus gonflé, tu meurs ! disait-on quand j’étais jeune…
Ça sent le vécu !
J’ai cru entendre Jérôme Lejeune dire à Marthe Gautier qu’il a juste voulu lui rendre service en prenant sa place… Elle n’était pas faite pour la notoriété et tous les embêtements qui vont avec !
S’ils veulent le canoniser (il en est question) je me proposerai comme promotor fidei…
En fin de carrière, on a tous une histoire comme ça à raconter. Moi c’était sur mon premier papier en anglais, quand j’étais interne. Ça m’a servi de leçon pour la suite, j’ai été plus vigilant mais surtout ce qui m’a fait du bien ça a été de dire au patron que c’était un porc et de le faire largement savoir dans la communauté !
Oui, je crois que c’est fréquent. Merci Jean-François pour ce témoignage