Les thèses d’exercice en médecine sont un étonnement sans fin. Je côtoie beaucoup d’internes en médecine ayant besoin d’aides pour écrire leurs thèses. Je ne fais jamais de commentaires sur les connaissances méthodologiques des directeurs de thèses… NO COMMENT. Voici un cas rencontré plusieurs fois :
Que penser du tandem directeur de thèse / interne ?
- J’ai commencé une thèse de médecine avec un collègue. Nous serons deux sur le même sujet. Il connait le directeur de thèse qui a accepté de nous accompagner pour faire une revue systématique. Le directeur n’a jamais fait ce type de revue de la littérature.
- Lors de notre deuxième rencontre, mon collègue a sélectionné des articles douteux. Provenant de revues scientifiques de faible qualité, ce sont des éditoriaux et des études observationnelles mal faites.
- Je fais remarquer qu’avec une lecture critique des articles, il est important d’inclure des articles de bonne qualité méthodologique afin d’avoir des données probantes à analyser.
- Mon avis est qu’il restera un ou deux articles pour une revue systématique, ce qui est insuffisant. Mon collègue m’explique que le directeur ne verra rien, et qu’il est facile de garder 35 articles pour cette revue systématique.
- Nous aurons notre thèse dans 6 mois si je le laisse faire…
Que faites-vous ?
- Je fais remarquer que c’est de la pseudo-science, que des méthodes problématiques n’ont pas de place dans notre thèse, et que je ne veux pas continuer
- Je vais prendre rendez-vous avec le directeur de thèse pour lui expliquer ma position et lui demander s’il sait ce qu’est PRISMA
- Je propose à mon collègue de changer de sujet, tout en restant dans le même domaine ; je vais lui envoyer des articles de revues prestigieuses qui vont nous demander beaucoup de travail pour les analyser ; notre date de soutenance doit être repoussée.
- J’informe le doyen de la situation en expliquant que nous sommes engagés dans un travail de mauvaise qualité.
Les thèses de complaisance
Il y a trop de thèse de complaisance en médecine. Internes, directeurs de thèse, jury perdent beaucoup de temps. Dès le début, les méthodes sont mauvaises et permettent d’affirmer que rien ne sera montré. Toutes ces études rétrospectives qui consistent à chercher des dossiers pas toujours bien classés pour extraire des paramètres sans même les comparer à d’autres… font perdre du temps à tous.
Tous complices : 6 à 9 mois pour faire une thèse d’exercice n’est pas réaliste ; travailler seul sans être supervisé n’est pas acceptable ; travailler avec un directeur ayant peu d’expérience de la recherche et sans bonnes connaissances méthodologiques est ambitieux ; les jurys sont polis devant le candidat mais se lâchent entre eux ; etc…
Il existe des services où les thèses sont moins ambitieuses, portent sur des cohortes prospectives, avec la supervision d’un statisticien qui a le droit de dire NON, et qui finalement donneront lieu à publication d’un article. HEUREUSEMENT !
Les cas proviennent de situations réelles adaptées pour n’identifier personne ; ce sont des cas personnels, des cas d’autres collègues, ou des cas empruntés à dilemma games. Tous les cas d’intégrité scientifique de ce blog sont sur cette URL.
4 commentaires
No comment ?
J’en ferai donc un. L’ignorance du corps médical en matière de méthodologie est abyssale.
Celle de la plupart des directeurs de thèse, experts cliniciens et chercheurs n’est pas moins considérable. Gravement insuffisante, l’exigence de formation initiale et continue dans ce domaine doit devenir une priorité.
Bien d’accord,
Tout ceci va avec une absence d’esprit critique, des prescriptions d’examens et de produits de santé sans limites… et tous ces appareils connectés vont remplir les cabinets, les urgences….
Merci
…et un biais courant aggrave le phénomène :
https://www.sciencedaily.com/releases/2024/02/240226114610.htm
Très bel article !!!! Merci