Un beau programme à découvrir
C’est le mercredi 20 mars 2024 que nous sommes invités par l’Ofis pour discuter des Enjeux pour l’évaluation et le financement de la recherche biomédicale en France. Il faut s’inscrire sur le site Ofis. Gratuit, merci.
Question importante au sein des établissements de santé qui ont besoin de ressources pour conduire des recherches. Les missions d’enseignement, de recherche, de référence et d’innovation (MERRI) sont financées via des dotations budgétaires spécifiques au titre de missions d’intérêt général. Cet argent d’environ 1,8 milliards d’euros est réparti en trois enveloppes. Ce sont environ 1,1 milliards qui sont alloués aux publications, et répartis avec un indicateur appelé SIGAPS. Allouer des ressources pour la recherche biomédicale est logique, ce qui pose problème c’est l’usine à gaz SIGAPS : l’argent est alloué en fonction des articles publiés et indexés dans PubMed, et basé sur un indicateur de notoriété des revues, le fameux facteur d’impact. SIGAPS créé en 2002 à Lille est un bon outil de bibliométrie dérivé de ses objectifs initiaux. Cet indicateur sert à répartir de l’argent à 600 établissements de santé. Nombreux sont ceux qui accusent se système qui a modifié beaucoup de comportements des chercheurs, et est à l’origine de pratiques que je qualifie de mafieuses… J’ai publié des billets pour dénoncer ce système mais rien ne bouge… Ceux qui ont à gagner du système sont probablement aux manettes…
Rappelons que la bibliométrie est une science dont nous avons besoin. Analyser ces indicateurs à bon escient est utile, comme par exemple le fait le CNCR. Utiliser ces indicateurs bibliométriques pour nommer des personnels, sans utiliser d’autres indicateurs, n’est pas pertinent. Un article simple (15 février 2024, La Presse Médicale Formation) vous permettra de comprendre certaines dérives.
Bientôt 600 rétractations d’articles en France
Dans la base de Retraction Watch (lancée en 2018 avec 18 000 rétractations), il y a en 2024, bientôt 48 000 articles ayant eu une rétractation.
Donner l’argent est facile, reprendre l’argent serait facile avec un peu de volonté pour les articles ayant été retirés de la littérature. Ce n’est pas beaucoup d’argent à rétrocéder mais il a été acquis grâce à des fraudes. Combien d’articles seraient concernés ? En consultant la base de Retraction Watch, nous remarquons que 759 articles ont une affiliation en France. Ce sont à la fois les rétractations et les mises en garde (expression of concern). Parmi ces 759 articles, il y a 546 rétractations. Parmi ces 546 rétractations, 220 concernent les sciences de la santé (Health sciences).
220 articles retirés de la littérature en France dans le domaine des sciences de la santé
Il n’y a pas de filtre pour savoir combien de ces 220 rétractations dites ‘Health sciences’ ont des affiliations avec un établissement de santé ? Prenons des exemples de villes en France :
- Pour Paris, ce sont 55 rétractations mentionnées et environ 30 concernent un établissement de santé.
- Pour Lyon, ce sont 29 rétractations mentionnées et environ 12 concernent un établissement de santé.
- Pour Toulouse, ce sont 26 rétractations qui sont mentionnées et environ 16 concernent un établissement de santé… parmi les autres rétractations toulousaines, l’école vétérinaire est pas mal. Bruno Vellas avec 10 de ces rétractations est performant.
- Pour Marseille, ce sont 21 rétractations mentionnées et environ 14 concernent un établissement de santé. Didier Raoult est pas mal avec 64 apparitions, dont seulement 9 sont des rétractations. La plupart des mentions sont des mises en garde qui devraient avoir une évaluation ultérieure.
- Pour Strasbourg, ce sont 12 rétractations mentionnées et environ 6 concernent un établissement de santé.
- Vous pouvez chercher pour votre ville.
Cent articles retirés ont probablement donné lieu à l’attribution de crédits SIGAPS/MERRI
Il s’agit d’un compte fait le 29 février 2024 dans cette base. Environ la moitié des 220 rétractations françaises dans le domaine ‘Health Sciences’ concernent des établissements de santé. Une évaluation conservatrice permet de supposer qu’au moins une centaine d’articles retirés ont donné lieu à attribution de crédits SIGAPS/MERRI. Il faudrait un peu de temps pour obtenir des données plus fiables… qui veut le faire ? C’est simple, mais il faut une volonté. Retraction Watch (Crossref) serait d’accord pour extraire la base française des articles retirés à partir des plus de 50 000 occurrences.
La DGOS devrait faire ce travail simple car il s’agit de récupérer de l’argent mal acquis.
Dès 2017, un rapport de la Cour des Comptes a décrit la mafia SIGAPS
Depuis une dizaine d’années, toutes les dérives ont été décrites. Le rapport 2017 de la Cour des Comptes n’a servi à rien. Je cite une phrase : cette règle permet aux CHU de s’attribuer l’ensemble des publications des chercheurs INSERM et CNRS qui disposent d’un contrat d’interface, à partir du moment où ceux-ci sont salariés de l’établissement de santé. Cela ne concerne que très peu de CHU.
La conclusion de la réunion de l’Ofis du 20 mars sera probablement : nous sommes tous d’accord pour ne plus utiliser seulement SIGAPS pour financer la recherche biomédicale (et nommer des profs)… et nous attendons que quelqu’un montre l’exemple… dans combien d’années. La DGOS est en première ligne, mais choisit la facilité : ne rien faire. Compte tenu de nombreuses convenances sociales, les discussions seront polies.
PS du 28 mars : la conclusion attendue (langue de bois) a été observée… circulez….