JPA Ioannidis continue ses analyses des auteurs prolifiques (plus de 60 articles par an) et montre que ces pratiques sont toujours en augmentation. Cela suppose des accords de consortium, des dons d’auteurs et autres pratiques douteuses pour être listé parmi les auteurs d’un article. Publication dans Scientometrics de juillet 2024 avec le titre Evolving patterns of extreme publishing behavior across science. Il y a beaucoup de données dans cet article qui a été déposé sous forme de preprint dans bioRxiv. Méthodes bien décrites pour une recherche faite dans Scopus.
Une traduction en français du résumé
Le comportement extrême en matière de publication peut refléter une combinaison de certains auteurs ayant une production de publications réellement élevée et d’autres personnes dont le nom est cité trop fréquemment dans les publications en raison d’accords de consortium, de dons d’auteurs ou d’autres pratiques fallacieuses. Nous avons cherché à évaluer l’évolution des comportements extrêmes en matière de publication dans les différents pays et domaines scientifiques au cours de la période 2000-2022. Un comportement de publication extrême a été défini comme le fait d’avoir plus de 60 articles complets (articles originaux, revues, documents de conférence) au cours d’une même année civile et indexés dans Scopus. Nous avons identifié 3191 auteurs ayant un comportement de publication extrême dans l’ensemble des sciences, à l’exception de la physique, et 12624 auteurs de ce type en physique. Alors que la physique comptait un nombre beaucoup plus élevé d’auteurs ayant un comportement de publication extrême dans le passé, en 2022, les auteurs ayant un comportement de publication extrême étaient presque aussi nombreux dans les disciplines autres que la physique que dans celle de la physique (1226 contre 1480). Si l’on exclut la physique, c’est en Chine que l’on trouve le plus grand nombre d’auteurs de publications extrêmes, suivie par les États-Unis. Les augmentations les plus importantes entre 2016 et 2022 (de 5 à 19 fois) ont eu lieu en Thaïlande, en Arabie saoudite, en Espagne, en Inde, en Italie, en Russie, au Pakistan et en Corée du Sud. Si l’on exclut la physique, la plupart des auteurs publiant dans des conditions extrêmes se trouvaient en médecine clinique, mais entre 2016 et 2022, les plus fortes augmentations relatives (> six fois) ont été observées dans les domaines de l’agriculture, de la pêche et de la sylviculture, de la biologie, et des mathématiques et des statistiques. Les auteurs publiant de manière extrême représentaient 4360 des 10000 auteurs les plus cités (sur la base du nombre brut de citations) dans l’ensemble des sciences. Alors que la plupart des auteurs de physique ayant un comportement de publication extrême ont un impact modeste sur les citations dans un indicateur de citation composite qui tient compte des coauteurs et des positions des auteurs, 67 % des auteurs ayant un comportement de publication extrême dans des domaines autres que la physique sont restés dans le top 2 % selon cet indicateur parmi tous les auteurs ayant > = 5 articles complets. Le comportement de publication extrême est devenu inquiétant dans tous les domaines scientifiques, avec des taux en augmentation rapide dans certains pays et contextes, et pourrait annoncer une dépréciation rapide des normes de paternité.
Combien d’auteurs prolifiques en France ?
La France a 14 auteurs prolifiques hors physique : In non-Physics fields during 2022 specifically, the countries with the highest number of EP authors were China (n=303), USA (n=124), Saudi Arabia (n=69), Italy (n=62), Germany (n=58), India (n=51), UK (n=47), Australia (n=47), Japan (n=35), Canada (n=28), Iran (n=26), South Korea (n=26), Spain (n=23), Netherlands (n=20), Taiwan (n=19), Thailand (n=19), Pakistan (n=17), Denmark (n=15), Malaysia (n=14), France (n=14), Russia (n=13), Singapore (n=12), Hong Kong (n=11), and Switzerland (n=7).
La médecine clinique est la discipline ayant le plus d’auteurs prolifiques avec 678 en 2022 : triste record qui traduit probablement des pratiques douteuses. Mais il y a beaucoup de chercheurs dans ce domaine, et la pratique d’ajouter un dernier auteur sénior est très répandue, contrairement à d’autres domaines. Entre 2016 et 2022, en médecine clinique, quelles sont les disciplines qui ont le plus augmenté ? The highest fold-increases were seen in Complementary & Alternative Medicine (10.3-fold), Tropical Medicine (5.5-fold), Dentistry (4.5-fold), Immunology (4.2-fold), and Pharmacology & Pharmacy (3.8-fold).
Pas de changements en vue avec les méga-journaux qui facilitent les publications, les manipulations du peer-review et l’arrivée de l’intelligence artificielle….
6 commentaires
Si on recherche les auteurs prolifiques français dont le domaine est « médecine clinique » ou « recherche biomédicale » on tombe sur : Guido KROEMER, Didier RAOULT, Philippe Gabriel STEG, Faïez Mohamed ZANNAD, Elisabete WEIDERPASS, Laurent PEYRIN-BIROULET, Mohamad MOHTY, Pierre-Edouard FOURNIER, Morgan ROUPRÊT.
Je ne connais pas tous ces noms, seulement certains … Qu’en pensez-vous ?
(Les bases de données en libre accès : https://elsevier.digitalcommonsdata.com/datasets/kmyvjk3xmd/2 ; recherche depuis de la base de données « no_subfields_non_physics_hp_auid_afid_removed.csv »)
Merci pour ce commentaire et le lien aux bases de données.
Je connais certains de ces gros publiants français… et c’est une problématique difficile à aborder en France. Des gros publiants sont connus dans certaines communautés et les collègues, en général, pensent que ce sont des méconduites… mais personne ne sait comment faire pour améliorer ces pratiques douteuses…
Je connais des cas qui restent confidentiels… Seul D Raoult a fait l’unanimité… Certains de ces gros publiants sont rédacteurs en chef de revues (parfois ce sont des éditoriaux qui font monter les chiffres !). Guido Kroemer est bien connu, notamment de L Schneider https://forbetterscience.com/?s=kroemer
être membre de comités de rédaction de plusieurs revues scientifiques est la meilleure méthode pour publier facilement
Merci pour ce commentaire sur un sujet sensible…
Je connais personnellement au moins 2 de ces auteurs et l’analyse de leur production indique que leur méthode est la suivante, ce qui est probablement un fait sans jugement critique car cela a requis des années de travail et de mise en place d’un réseau de qualité: il faut réussir à participer à des essais thérapeutiques contrôlés (ETC) de première importance si possible comme concepteur et PI, sinon à un autre poste (représentant de la France en ayant le relai dans des centres investigateurs qui pourront inclure des patients) ou autre selon les possibilités, mais afin d’être dans les 3 premiers auteurs ou d’être le dernier auteur. Le reste s’enchaine : publication du protocole, des caractéristiques de base, de l’état d’avancement, de mises au point préalable sur le sujet, puis publication des résultats principaux (parfois en 2 articles) et publication de toutes les études complémentaires, par sous-groupe ou sous-critères, puis mises au point sur le thème et éditoriaux sur les études sur le même thème, puis publication des résultats à long terme etc… Un ETC de qualité peut ainsi générer une cinquantaine d’articles en 2 à 4 ans. Plus encore, en collaborant avec une équipe internationale utilisant les mêmes méthodes, il est possible d’être le représentant français de l’étude d’un auteur US et l’auteur US devient le représentant US d’une étude d’un auteur français et l’enchainement continue tant que le travail est produit et a une qualité justifiant quelques publications dans des journaux à fort impact factor qui sont le vaisseau amiral de tous les articles connexes.
Bonsoir,
merci pour ce commentaire… Il y a de la littérature sur ces abus car les auteurs des RCT devraient probablement être ceux qui ont vu les données dans la base et leur analyse : en premier lieu le directeur médical du sponsor, et seuls quelques investigateurs devraient signer. C’est un jeu particulier entre comités de rédactions, investigateurs renommés, etc… https://www.redactionmedicale.fr/2016/09/polemique-sur-les-auteurs-fantomes-de-lindustrie-dans-le-bmj
Amicalement
Beaucoup de ceux là, que je connais tous, sont des auteurs d’innombrables éditoriaux et textes académiques (FMC, compte rendu de congrès, commentaires de recommandations professionnelles…) par leur statut de membres de comité de rédaction de revues et sociétés savantes.
Il n’empêche que les gros publieurs d’études cliniques sont parfois des usurpateurs ou des auto-plagieurs, et que les gros publieurs de travaux fondamentaux exploitent volontiers à outrance des thèmes plus ou moins abscons.
Je préfère la réputation fondée sur une petite poignée de publications vraiment marquantes, en position de véritable concepteur. Un tel classement reste à établir – bien que chacun d’entre nous est capable de se constituer le sien.
J’ajoute que JP Ioannidis donne lui-même 1330 occurrences sur pubmed !
Ce qui n’empêche qu’il est, à mon avis, un des plus grands esprits scientifiques de tous les temps.