Ce livre vient de sortir et c’est du bon journalisme d’investigation. Margot Brunet, journaliste spécialisée en sciences et santé (Marianne, Cerveau & Psycho), a enquêté plusieurs années. Elle a publié des articles de magazines sur l’émergence d’un système de santé parallèle. Sommes-nous tous complices ? Car nous observons des pratiques sans bases scientifiques qui peuvent même nuire à la santé. Ce livre de 220 pages est proposé par une maison d’édition, Les échappés. Une vidéo YouTube de 1 min 35 s donne une bonne idée du livre, et il y a d’autres vidéos de Margot Brunet. Pas mal d’articles dans la presse, par exemple dans L’Express.
Son constat est affolant
Comme en lisant le livre d’Anne Jouan et Christian Riché ‘La santé en bande organisée’, cette lecture montre que le phénomène est grave. Par exemple en 2025, nous aurons probablement une norme Afnor sur la naturopathie… et ceci va indirectement valoriser, voire valider, un nouveau métier. C’est le collectif naturopathies qui mène le bal : ont-ils consulté le ministère de la santé ou celui de l’enseignement supérieur ?
Tout est dans le dernier paragraphe de la page 197 : ‘Si l’État ne fait pas le ménage, ce n’est pas parce qu’il ne sait pas comment s’y prendre, mais parce que les « médecines douces » sont devenues politiques. Et les personnalités politiques trop ignorantes, voire trop complices. Il vaudrait mieux un naturopathe que rien, et il n’y aurait que pour vous que votre santé est une priorité. En finir avec tout ça ne suppose plus seulement d’adapter la loi, mais de replacer la science et la médecine au coeur de nos sociétés. Avant qu’il ne soit trop tard.’
J’ai souligné beaucoup de phrases percutantes dans mon exemplaire. Il faut réagir ! Si vous cherchez le temple des médecines douces, c’est à Die (Drôme). Des descriptions de décès probablement causés par des arrêts de soins (cancer par exemple). La naturopathie a cinq piliers (page 25) : causalisme, vitalisme, humorisme, hygiénisme, holisme. Publicité et téléconsultations sont utilisées. Un accompagnement juridique est proposé par Maître Fabrice Di Vizio, spécialiste Covid-19. Il y a les congrès du syndicat des professionnels de la naturopathie (SPN), et d’autres organisations actives. En page 102 du livre : En juin 2024 a eu lieu la 6ème édition du congrès de naturopathie et de santé intégrative au domaine Arc-en-Ciel, à Mont-sous-Vaudray, Jura ; début 2025, le 4ème congrès de la naturopathie organisé par la Féna ; ou encore le tout premier congrès national de santé intégrative (oui, on s’y perd dans les dénominations) organisé par l’Agence des médecines complémentaires adaptées (A-MCA).
De l’ENA (École de Naturopathie Appliquée) à l’Académie de vitalopathie
J’ai été sidéré par les noms abusifs d’instituts divers et variés dans le domaine de la naturopathie. Le marketing est astucieux, avec des noms étonnants. Il existe une offre de formation pléthorique, avec toutes sortes de cursus de 5 à 14 000 € selon la durée et d’autres critères dits de notoriété. Beaucoup de formations sont supportées par France Travail, à condition de répondre au référentiel Qualiopi (pratiquement toutes les formations l’ont).
En France, il y a un diplôme et je reprends des extraits d’un site :Le Bachelor en naturopathie est un diplôme privé de niveau 6 selon le cadre européen des certifications (EQF), correspondant au niveau Licence dans le processus de Bologne. Il est délivré conjointement par La FÉNA (France) et la FEDE (Suisse), dans le cadre d’un partenariat officiel et d’un référentiel commun.
Ce diplôme valide une année d’études correspondant à 60 crédits ECTS. Il s’inscrit dans un parcours de formation plus large : il est accessible aux personnes ayant déjà validé 120 crédits ECTS dans tout domaine reconnu, permettant ainsi d’atteindre un total de 180 ECTS, soit l’équivalent d’un niveau Licence.
Le bachelor est formalisé par un parchemin officiel portant les logos de La FÉNA, de la FEDE et de l’établissement d’origine. Il peut être mentionné sur les supports de communication ou affiché en cabinet, en gage de professionnalisme et de qualité de formation.
Il y a quatre écoles agréées en France : l’utilisation du mot ‘agréée’ est astucieuse.
Il y a 13 chapitres : Préface ; 1) La bascule du Covid-19 vers les ‘médecines douces’ ; 2) Une explosion difficile à quantifier ; 3) La toute-puissance des stars de la pseudo-médecine ; 4) Les réseaux sociaux, une nouvelle arme ; 5) Un business florissant ; 6) Les formations, racines des dangers ; 7) S’organiser pour mieux régner ; 8) Tous les médecins ne sont pas vaccinés ; 9) Le milieu politique complaisant ; 10) L’État passif ; 11) L’État complice ; 12) La lutte citoyenne s’organise ; 13) Pour éviter les drames ; Conclusion : Vers un projet de société ? Il y a un lexique sur 5 pages et j’ai découvert des pratiques douteuses que je ne connaissais pas.
PS : le syndicat SPN ratisse large :
Nous acceptons sans distinction les professionnels suivant :
- Les naturopathes
- Les praticiens en naturopathie
- Les conseillers en naturopathie ou en technique naturopathique
- Les réflexologues
- Les sophrologues
- Les relaxologues
- Les spécialistes en Shiatsu
- Les praticiens en énergétique chinoise
- Les praticiens en énergétique ayurvédique
- Les thérapeutes manuel crânio-sacrée
- Les praticiens de massage bien-être
- Les esthéticiennes
- Les coachs sportifs
- Les coachs professionnels
- Les praticiens en EFT-EMDR
- Les praticiens en hypnose
- Les diététiciens
- Les psychologues
- Les ostéopathes
- Les chiropracteurs
- Les étiopathes
- Les kinésithérapeutes
- Les sages-femmes
- Les infirmiers
- Les pédicures-podologues
- Les préparateurs en pharmacie
- Les pharmaciens
- Les chirurgiens dentiste
- Les médecins
- autres profession : se renseigner auprès de notre secrétariat
Un commentaire
C’est de pire en pire ! Je n’avais qu’effleuré le problème dans mon bouquin Impostures en cancérologie et ça s’est beaucoup aggravé…
Et dire que les mutuelles remboursent jusqu’à 100 euros par an les consultations de leurs adhérents… même celle qui porte le mot « Education » dans son nom, la MGEN ! Honte à elle ! Je suis intervenu en début d’année auprès d’un « Délégué national Mgen Assurances et couvertures mutualistes » qui avait un peu mordu à l’hameçon et semblait prêt à me laisser la plume dans leur feuille de chou Valeurs mutualistes, pour défendre la raison, et puis, pffui, plus rien !
« C’est permis par un accord interministériel de 2022 et c’est pour répondre à une demande de nos adhérents », m’avait-il gravement expliqué… Le Canard Enchaîné, le 30 avril 2025, a révélé que l’alors ministre des comptes publics du gouvernement de François Bayrou, Amélie de Montchalin, s’est demandée « qui avait bien pu signer pareille ineptie » : c’est (entre autres) l’alors ministre de la transformation et de la fonction publiques [sic] du gouvernement de Jean Castex, Amélie de Montchalin.
Même pas un problème de cohérence gouvernementale (on en a vu d’autres) mais un problème de communication entre le cerveau droit et le cerveau gauche d’une même ministre…
P.S. L’auteur du livre, Margot Brunet, avait fait un excellent papier, très drôle, sur le dernier opus de notre ami Raoult, Homo chaoticus, intitulé « Melon suprême » (https://www.marianne.net/societe/sciences-et-bioethique/ni-dieu-ni-darwin-levolution-a-la-sauce-raoult-le-chaos-et-beaucoup-dego)