La question a toujours été négligée, car les experts, auteurs d'articles doivent déclarer les liens d'intérêts, sous-entendus les liens financiers car les industries sont les seules coupables d'influences diverses. En fait, c'est plus compliqué, et un éditorial controversé du BMJ (Head to Head du 12 avril 2018) a confronté les deux points de vue.
OUI (signé par deux australiens et une américaine de Boston ) : les conflits d'intérêts de natures politique, idéologique, individuelle ou religieuse sont négligés à tort ; les recherches ont montré que des positions sont orientées au moins autant par des intérêts non financiers que par des intérêts financiers ; tous les experts ne travaillent pas que pour le gain financier et recevoir 800 à 1000 € pour participer à un board est bien peu comparé parfois à l'importance sociale et psychologique de bien d'autres activités…. les auteurs donnent des exemples, par exemple les coryances religieuses et la PMA (Procréation Médicale Assistée). Faut-il les déclarer ouvertement, ou les déclarer à des parties qui n'en feront pas la publicité, et garderont une discrétion nécessaire. L'argent n'est pas le seul déterminant d'un comportement : les valeurs, les croyances, les relations sociales sont des forces qui influencent des décisions.
NON (signé par un américain de Boston travaillant à Aix Marseille Université) : selon la loi, ces conflits ne sont pas décrits ; si les liens intellectuels peuvent causer des biais, cela ne veut pas dire qu'ils constituent des conflits d'intérêts. Il s'agit d'une vision américaine avec la loi qui définit comme conflits d'intérêts : 1) Revenus ou cadeaux d'origine commerciale qui pourront influencer des décisions professionnelles favorisant ces intérêts ; 2) Revenus d'activités de consultants liées à votre recherche ; 3) Propriété intellectuelle comme fruit de recherche ; 4) Intérêt financier dans une firme qui supporte votre recherche ; 5) Participation au capital de firmes qui commercialisent votre recherche.
Pour le groupe Nature, déclarer les liens non-financiers est une exigence.
Votre avis ? Pour ma part, j'ai trop vu des décisions de reviewers, de comités de rédaction influencées par des connaissances, des amis voire des ennemis, que je pense qu'il faudrait s'intéresser à ces intérêts non-financiers. Les intérêts liés à une notoriété, à une promotion dans une carrière, dans des relations professionnelles influencent nos décisions.
Un commentaire
Le problème, comme bien souvent, est essentiellement d’ordre sémantique. La plupart des controverses naissent d’un usage indifférencié, voire inconsidéré de termes galvaudés. « Mal nommer les choses c’est ajouter au malheur du monde » – on ne saura trop répéter l’adage de Camus.
« Conflit d’intérêt » est exemplaire de ce point de vue. Au sens strict (américain) c’est bel et bien une incompatibilité entre l’intérêt (pécuniaire) du locuteur et l’intérêt général de son auditoire. Un tel conflit interdit à un expert sollicité de s’exprimer sur le sujet, tout simplement.
On pourrait exclure de cette acception rigoriste le simple fait de « gagner sa vie » avec le sujet considéré (sous peine de n’avoir plus d’experts du tout !) mais ce doit être un facteur très important à signaler, à admettre explicitement et à prendre en compte.
Déclarer ses biais et influences est tout différent. C’est une information qui doit être donnée publiquement et explicitement à tout auditoire. Si l’on tient à garder secrètes ses petites inclinations personnelles, le mieux est là encore de ne pas s’exprimer. Mais ce n’est en rien un « conflit d’intérêt).