Le CNCR (Centre National de Coordination de la Recherche) fait de bonnes choses en analysant l'effort de recherche fait par les hôpitaux français. Il annonce un rapport pour 2019, afin d'illustrer une infographie mise en ligne le 15 octobre 2018. Le site contient de nombreuses informations, mais la principale semble absente : les résultats de la moitié de ces essais ne sont jamais rendus publics !!! Rappelons que les résultats des essais industriels sont connus pour plus de 90 % des essais !
"La moitié des résultats non communiqués' est mon hypothèse : j'espère que la réalité est au dessus de 50 % !!!! Attention, la base mérite actualisation… c'est peut-être 90 % pour les essais français… à voir… Donnez-moi les vrais chiffres URGENT.
Les efforts de recherche augmentent en France, et toutes les données du CNCR sont intéressantes. Le CNCR pourrait analyser les sites qui listent les essais enregistrés (tous les protocoles doivent être enregistrés), et dont les résultats sont rendus publics dans les 12 mois après la dernière visite du dernier patient :
- il s'agit d'une recommandations de diverses institutions dont l'OMS ;
- par rendu public, il ne s'agit pas obligatoirement d'une publication : les résultats peuvent être déposés dans un registre comme Clinicaltrials.org.
La donnée la plus intéressante est de savoir si l'argent, d'origine publique, a été correctement investi, c'est à dire si les résultats des essais sont connus. Il peut être admis que pour de bonnes raisons un essai soit arrêté, et dans ce cas le taux d'arrêt doit être connu. Il serait même imaginable qu'engager des patients dans une recherche inutile n'est pas très bien !
Deux sites, créés par le Centre d'Oxford, listent les essais enregistrés. Ces deux sites sont récents, et ils ne listent pas des essais anciens. Sur ces sites, vous pouvez voir les CHU français promoteurs et voir que tous les essais ne donnent pas lieu à communication des résultats. Un rapide coup d'oeil sur EU Trials Tracker vous montre que les taux de communication des industries sont de 90 % et plus, et que les taux de communication des universités et hôpitaux contribuent fortement à l'abaissement de la moyenne générale qui est de 51,4 % (4001 essais rapportés sur les 7784). Vous pouvez consulter le site des essais américains : FDAAA TrialsTracker.
Le CNCR connaît les taux de diffusion des résultats des essais, et sait très bien que les hôpitaux sont plus mauvais que les industries pharmaceutiques. Faire de belles plaquettes, de belles statistiques est excellent mais savoir quelle proportion d'argent public est gaspillé m'intéresse autant. Si, je me trompe, merci de me passer les vrais chiffres.
3 commentaires
Bonjour,
J’ai lu avec beaucoup d’intérêt le dernier billet relatif à l’infographie du CNCR, mais il me semble que quelques points méritent d’être précisés :
La moitié des essais ne sont jamais communiqués : qu’appelle-t-on « communiqués » ou « rendus publics ». Considère-t-on qu’une étude publiée est rendu publique ? Cela ne semble pas être le cas, le critère retenu étant la déclaration des résultats dans la base EUDRACT. L’obligation réglementaire pour les CHU se mesure à la remise d’un résumé du rapport final à l’ANSM.
Le site EU Trials Tracker s’appuie sur la base EUDRACT qui n’enregistre que les Essais portant sur le médicament. Elle est directement alimentée par l’ANSM sur la base des déclarations des CHU qui se portent par ailleurs promoteurs de bien d’autres études. Les industriels eux ont une activité majeure dans le Médicament et donc une plus forte exhaustivité dans EUDRACT. On retrouve donc peu d’études promues par les CHU dans EUDRACT. 2 exemples :
– CHU de Lille : 222 études déclarées à l’ANSM sur la période 2013-2017, dont 44 portant sur le médicament. 13 retrouvées dans EUDRACT, soit 6%.
– CHU de Bordeaux : 117 études déclarées à l’ANSM sur la période 2013-2017, dont 38 portant sur le médicament. Recensés dans EUDRACT majoritairement au nom de l’Université.
Le calcul des indicateurs présentés ne porte donc que sur 5 à 10% des études à Promotion CHU… Je doute sérieusement de leur robustesse.
85% des études ouvertes par les CHU en 2017 ont un NCT (guidelines ICMJE). Cela permettra, lors de la parution des résultats, d’associer directement la publication et l’essai clinique et donc de mieux suivre le devenir de ces études. Après des années de pédagogie, les investigateurs ont compris l’intérêt de déclarer leurs études dans ClinicalTrials. Mais, rares sont ceux, qui après publication, vont renseigner la partie Results de ClinicalTrials…
Gaspillage d’argent public : de quelles études parle-t-on ? De toutes les études ? De celles ayant bénéficié d’un financement public (PHRC par exemple) ? Là encore, l’enregistrement obligatoire depuis 2013 de toute étude ayant bénéficié d’un financement DGOS va permettre un meilleur suivi. Mais il est encore trop tôt pour estimer le taux d’études ayant donné lieu à publication, la durée globale d’une étude pouvant aller de 5 à 10 ans. Il est dommage que le rapport IGAS/IGAENR sur les retombées du PHRC ne soit pas public…
Comme proposé dans le billet, on peut sélectionner dans ClinicalsTrials toutes les études ouvertes en France de 2008 à 2017 par un Promoteur industriel : 6098 études. Parmi ces 6098 études, 3808 terminées. Sur ces 3808, 1544 ayant le statut « With Results ». Faut-il en déduire que seulement 40% des études industrielles donnent lieu à un résultat ? Si on sépare les études interventionnelles et les études observationnelles, on dispose également de chiffres différents (44% pour les interventionnelles versus 14% pour les observationnelles). Nous sommes bien loin des 90% énoncés par EU Trials Tracker… Comme quoi, on peut toujours produire des chiffres…
La promotion académique est certainement plus difficile que la promotion industrielle, les moyens engagés n’étant pas les mêmes. Je ne pense pas qu’il faille pour autant jeter le doute sur les milliers d’investigateurs qui s’investissent chaque jour pour améliorer la prise en charge des patients, d’autant plus que les mêmes investigateurs participent aux essais promus par les industriels.
Enfin, en ce qui concerne les « recherches inutiles », il me semble que l’on dispose en France de comités, appelés CPP, qui garantissent la déontologie et l’éthique avant l’initiation d’une étude…
Patrick Devos
Responsable Cellule Bibliométrie
CNCR
Merci pour ces précisions utiles et importantes.
Pour tous les essais, les recommandations sur la communication des résultats sont claires, et sont expliquées dans la déclaration d’Helsinki, et dans des déclarations de l’OMS. La règle est simple : les résultats des essais cliniques doivent être publics (cela ne veut pas dire publiés dans un article) un an après la dernière visite du dernier patient. C’est une question de respect et d’éthique vis-à-vis des patients qui ont participé à la recherche.
Il ne me semble pas très compliqué d’informer le public et les patients sur les conclusions des essais ! Les comités de protection des personnes pourraient avoir un tableau avec ces résultats…
Bonjour
Vous écrivez que « il ne me semble pas très compliqué d’informer le public et les patients sur les conclusions des essais ! Les comités de protection des personnes pourraient avoir un tableau avec ces résultats… ».
Les Comités de Protection des Personnes ne sont que très rarement informés des publications et n’ont ni vocation ni le temps de tenir à jour ce genre de tableau, qui au demeurant serait très instructif. Cette responsabilité d’un retour d’information vers les patients ou vers le public en général, relève à mon sens de la responsabilité des Promoteurs en symbiose avec les Investigateurs.
Francis Vasseur
Vive Président du CPP Nord Ouest IV