Mon billet du 30 octobre 2018 était probablement militant en reprenant un billet de blog québécois sur cette bonne publiée dans JAMA Internal Medicine et intitulée « Association of Frequency of Organic Food Consumption With Cancer Risk Findings From the NutriNet-Santé Prospective Cohort Study« . Qu’en penser avec un peu de recul ?
Le Bulletin du Cancer a publié en janvier 2019 un éditorial, signé Jacques Robert, intitulé « Alimentation « biologique » et risque de cancer : une étude de grande qualité et des réactions inappropriées« . Cet éditorial est raisonnable et mérite lecture. Il est aussi militant, bien que reconnaissant qu’association n’est pas causalité. Il critique à juste raison certains de mes propos, notamment ceux reprenant le blog québécois. Je suppose que les relecteurs qui ont accepté cet éditorial du Bulletin du Cancer ne sont pas membres de l’Académie Nationale de Médecine… en effet :
Le 4 avril 2019, l’Académie nationale de médecine a publié un communiqué de presse « Rôle de l’alimentation « bio » sur le cancer, l’Académie nationale de médecine alerte sur l’interprétation trop rapide des résultats épidémiologiques ». L’Académie appelle à la prudence ceux qui interprètent un peu vite la publication du JAMA Int Med « Ainsi même si cette étude met en évidence un « signal » entre alimentation « bio » et la moindre survenue d’un cancer, l’Académie nationale de médecine considère qu’à ce jour, au vu de cette seule étude, le lien de causalité entre alimentation « bio » et cancer ne peut être affirmé et invite à la prudence dans l’interprétation trop rapide de ces résultats. » L’Académie propose de lire un rapport de 2011 « Situation et perspectives de développement de l’épidémiologie en France en 2011. ». Je l’ai parcouru : il est simple, et je suggère aux journalistes de le lire.
L’éditorial du JAMA Med Inter accompagnant l’article était raisonnable : « Si ce risque est incertain, il existe une évidence qu’améliorer d’autres facteurs, comme le poids, l’activité physique et la diète peuvent diminuer le risque de cancer. » Avant de focaliser sur le bio, en matière de santé publique, il y a d’autres recommandations utiles (tabac, alcool, sel, sédentarité,..). D’ailleurs pour le vin bio, je préconise en général de préciser qu’il contient de l’alcool qui a quelques risques… parfois oubliés.
Je maintiens que le titre du Monde du 22 octobre 2018 (« L’alimentation bio réduit significativement les risques de cancer« ) était trompeur et destiné à effrayer la population. Des journalistes dits scientifiques sont militants, je les respecte. Par contre, quand Le Monde fait la promotion de l’exercice physique, j’applaudis.
Ce débat est complexe : il existe beaucoup d’hypothèses. Il faut diminuer les perturbateurs endocriniens, les pesticides dans l’environnement, mais faire croire que ces produits donnent le cancer pour alerter les populations est irresponsable. Faire croire que le bio protège du cancer est trompeur. Faire croire que tout était mieux avant n’est pas raisonnable non plus.
Il ne faut pas confondre ‘danger’ (CIRC) et ‘risque’ (agences sanitaires), et c’est important aussi : la synthèse du rapport du 13 mai 2019 de l’OPECTS (Office parlementaire d’évaluation des choix techniques et scientifiques) est bien faite. S Huet a bien analysé ce rapport sur son blog. Le titre de ce rapport : Évaluation des risques sanitaires et environnementaux par les agences : trouver le chemin de la confiance. Je vous suggère de la lire tranquillement. Il y a un encart sur le glyphosate dont je reprend un extrait : le CIRC se concentre sur la question du danger causé par le glyphosate (indépendamment du degré d’exposition), alors que l’EFSA analyse les risques encourus pour la santé humaine ou l’environnement (combinant danger et exposition). Les doses à partir desquelles des études identifient des effets cancérogènes chez l’animal (au-delà de l’absorption de 1 000 mg/kg de poids corporel) sont très élevées et donc improbables à atteindre, avec une dose journalière admissible (DJA) fixée à 0,5 mg/kg de poids corporel, correspondant à une dose sans effet observé (NOAEL) de 50 mg/kg à laquelle s’applique un facteur de sécurité de 100. Les agences ont donc jusqu’à présent écarté le risque cancérigène en cas d’exposition au glyphosate, dans les conditions normales d’utilisation de cette substance.
Note du 14 septembre 2022 : Je m’excuse pour une formulation malheureuse que je dois retirer de ce billet. Il s’agit de la phrase : D’autres journalistes savent lire les articles originaux, et ils sont rares. Je suis le premier à reconnaître que Le Monde a des journalistes qui savent lire les articles, et je regrette d’avoir maladroitement heurté des personnes.
3 commentaires
Les conclusions des agences concernant le glyphosate sont rapides et de peu de valeur scientifique, car la plupart des études sur le glyphosate sont financées par Monsanto . Il a fallu 40 ans pour retrouver une association entre exposition fœtale ou à la naissance au DDT et risque de cancer du sein à 50ans (multiplié par 5)doi: 10.1210/jc.2015-1841 J Clin Endocrinol Metab.
C’est la même erreur que conclure que l’alimentation bio protège du cancer .
La rigueur scientifique doit s’appliquer à toutes les publications .
Mais une étude épidémiologique qui ne montre pas d’ASSOCIATION, entre un comportement (manger bio par exemple) et un evenement de santé (cancer par exemple), n’est pas une indication que manger bio ne protège pas du cancer, strictement parlant.
Intuitivement on peut penser que le biais pousserait à favoriser l’hypothèse anticancer du bio. Mais ne faut il pas rester rigoureux ?
De plus,qu’est-ce que manger bio ? Manger quoi de biologique ?
Effectivement, je pense qu’il faudrait rester rigoureux sur l’association manger bio = moins de cancer. Il faut rester prudent et c’est ce que suggère l’académie nationale de Médecine.