Trois Académies ont publié un rapport commun de 11 pages le 29 mai 2020 intitulé "Essais cliniques au cours de la pandémie COVID-19 : cibles thérapeutiques, exigences méthodologiques, impératifs éthiques". Vous trouverez ce rapport sur les sites de l'Académie des Sciences, de l'Académie nationale de médecine et de l'Académie nationale de Pharmacie. Il est accompagné d'un communiqué de presse que les journalistes devraient utiliser pour élever le niveau certains débats sur télévisions, réseaux sociaux, YouTube, etc…
C'est un bon état des lieux avec une synthèse de 4 grands essais en cours, avec les principaux points sur la recherche clinique en période de pandémie. Est-ce que les journalistes feront leur travail en diffusant ce rapport ?
Vous noterez en page 1, le paragraphe sur les cibles thérapeutiques : "Aucun traitement n’existe aujourd’hui pour traiter spécifiquement la Covid-19 aux différents temps de son évolution, depuis sa prévention jusqu’à ses complications les plus sévères. Il n’existe pas de médicaments actifs contre les infections antérieures dues à d’autres coronavirus chez l’homme (SARS, MERS). Les médicaments étudiés actuellement ont été conçus pour d’autres affections, ce sont donc des médicaments « repositionnés ». Ils peuvent avoir un effet in vitro sur la réplication du virus, son entrée ou sa sortie de la cellule, ou sur l’activation du système immunitaire. Aucun d’entre eux n’est dénué d’effets indésirables et leur évaluation repose toujours sur l’estimation d’un rapport bénéfice/risque."
Les Académies ne peuvent pas aller au delà, mais j'imagine déjà D Raoult, Ph Douste-Blazy, C Perrone, hommes politiques et autres narcissiques pervers expliquer que ce rapport est foireux… sauf ceux qui ont reconnu leurs erreurs sur la chloroquine (S Royal, P Pelloux) et qu'il faut féliciter.
Pour information, en 2014, Ph Douste-Blazy a prononcé une conférence à l'Académie nationale de médecine, dont je retiens : "Je n’oublierai jamais la qualité de vos rapports, à l’abri de l’immédiateté des résultats, qui nuit si souvent à la véracité des informations, et à l’abri des pressions commerciales ou politiques, vous permettant d’affirmer sans contrainte votre vérité". Je suppose qu'il n'a pas changé d'avis.
Les recommandations des 3 Académies sont utiles. Elles
- recommandent une coordination de la recherche thérapeutique en France qui trouve un équilibre entre compétition et coopération. Cela peut se faire sous l’égide d’alliances nationales comme AVIESAN, afin d’éviter les redondances qui dispersent le recrutement et compromettent la puissance statistique des essais ;
- appellent à une révision des procédures d’agrément des projets et au renforcement des moyens des comités d’experts [CPP, ANSM] pour accélérer leurs procédures. Les délais d’accès ou la durée de leurs évaluations sont le prétexte, dans l’urgence, à les contourner ;
- soulignent la nécessité de respecter les attributions des Comité de surveillance et de suivi (CSI) et de s’interdire toute communication prématurée ;
- demandent qu’une coordination des essais et une standardisation de leurs procédures [conditions, conduite, évaluation, enregistrement, communication] soient instaurées au niveau européen.
Lien d'intérêt : des informations m'ont été demandées pour ce rapport.
4 commentaires
Les rapports des académies ont donc été publiés le 29 mai. Déjà le mercredi 20 mai, un articulet du Canard Enchainé rendait compte d’un mail de Maurice-Pierre Planel, numéro 2 de la DGS, aux présidents des comités de protection des personnes -CPP-.
« la vérité, c’est qu’on a autorisé trop d’essais cliniques dans le désordre. C’est le foutoir! » [ foi de marseillais !?]
L’impertinent volatil concluait : « Personne n’y avait pensé avant ? »
[quelque gilead jaune peu-être ?]
Bonjour,
Il y a donc l’Inserm, qui a des partenaires (?) regroupés dans l’Aviesan ; ensemble, ils ont mis en place REACTing (REsearch and ACTion targeting emerging infectious diseases (en 2013). Ce consortium (le latin ça fait savant) multidisciplinaire est piloté par l’Institut thématique Immunologie, inflammation, infectiologie et microbiologie (I3M)…dirigé actuellement par Yazdan Yazdanpanah.
Ouf, enfin quelquechose de clair : un homme [non pas R….t]. Wikipédia reviewé par des pairesdemains nous instruit :
« Après avoir fait face aux épidémies de Mers et d’Ebola, le service des maladies infectieuses qu’il dirige à Bichat se retrouve en première ligne lors de la pandémie de covid-19. Nommé au conseil scientifique le 11 mars, puis du Comité analyse recherche et expertise (CARE) le 24 mars, il est atteint par la maladie fin mars et hospitalisé dans son propre service de l’hôpital Bichat. Guéri, il reprend le service mi-avril ».
Dans un souhait de cohérence, toujours Wikipédia à propos d’Aviesan , sous la rubrique « Quelques réalisations » (!?):
En 2009, l’Aviesan coordonne la recherche pour trouver un vaccin contre le virus H1-N1.
En 2011, l’Aviesan fournit un rapport et des recommandations au gouvernement suite à l’accident nucléaire de Fukushima.
En 2020, l’Aviesan coordonne la recherche française pour trouver un vaccin contre le coronavirus Covid-19.
Pour un simple citoyen, peu au fait des rouages scientifico-administratifs, l’édifice impressionne. Un peu naïvement on se demande tout de même comment cette formule pourra garantir rapidité,justesse, et transparence des décisions.
Peut-être qu’un journaliste aguerri pourrait déjà débrouiller comment le Konsortium s’en est tiré, puisqu’il est déjà aux manettes en ce début 2020 ? [sans doute l’indisposition de Y. Yazdanpanah n’a pas été sans conséquence !?]
Comment les académies peuvent-elles affirmer que « aucun traitement ne permet de traiter le Covid19 au différents temps de son évolution » alors que les résultats des études Recovery, Solidarity et Discovery n’ont pas été publiées, même partiellement?
Il est possible qu’elles aient raison. Mais là encore, il s’agit d’un jugement de valeur qui ne s’appuie pas sur des faits.
Cette controverse est la pire chose qui soit arrivée à la science depuis longtemps : quelle confiance accorder désormais aux études cliniques et à leurs auteurs?
Le 6 juin Dominique Costagliola membre du comité de REACTing était interviewé dans Le Monde par Sandrine Cabut. Elle, Dominique, offre un éclairage saisissant sur la difficulté de coordination des études. Bien d’autres observations sont dignes d’intérêt. Je regrette de ne pas avoir eu accès aux reflexions de D. Costagliola plus tôt : la fermeté de ses propos s’étaye d’une neutralité de ton bienvenue.
https://medecine.sorbonne-universite.fr/dominique-costagliola-malmener-la-science/