En 2023, les Académies des sciences américaines ont publié un rapport sur les descripteurs des populations, en général mal utilisés pour bien décrire les variations génétiques humaines. Parmi leurs recommandations, il était proposé aux rédacteurs des journaux biomédicaux de revoir les terminologies utilisées. C’est chose faite en mars 2024 avec un texte signé des rédacteurs de nombreux journaux : Journal of the American Medical Association (JAMA), Nature Genetics, American Journal of Human Genetics, Genetics in Medicine, Human Genetics and Genomics Advances, American Journal of Medical Genetics, and Journal of Genetic Counseling
Des recommandations sur la race, l’ethnie, les origines géographiques
Un éditorial du 12 mars dans le JAMA a pour titre : Guidance on Use of Race, Ethnicity, and Geographic Origin as Proxies for Genetic Ancestry Groups in Biomedical Publications
Les revues biomédicales ont fait des progrès considérables dans l’amélioration des conseils fournis aux auteurs et aux évaluateurs en ce qui concerne le langage utilisé pour les descripteurs de population. Cependant, il reste encore beaucoup à faire pour guider les auteurs et les évaluateurs vers une utilisation acceptable des données étiquetées précédemment par des descripteurs de population. En nous appuyant sur les principes éthiques qui sous-tendent l’étude de consensus et les travaux antérieurs, nous proposons les préceptes suivants aux auteurs et aux évaluateurs de manuscrits qui utilisent des descripteurs de population comme substituts, au moins en partie, de groupes d’ascendance génétique
- La terminologie utilisée pour les descripteurs de population doit être précise, respectueuse et conforme aux orientations actuelles de la science biomédicale.
- La race et l’ethnicité autodéclarées ne doivent pas être utilisées comme substituts des groupes d’ascendance génétique ou pour représenter la diversité génétique des participants à l’étude, et il n’est pas recommandé de les utiliser comme variables analytiques.
- Les raisons de l’utilisation de descripteurs de population doivent être fournies et justifiées dans la section « Méthodes ».
- La description de la manière dont les participants ont été classés à l’aide des descripteurs de population, y compris l’auto-identification pour les catégories raciales et ethniques, doit être incluse dans la section « Méthodes ».
- La section « Méthodes » doit expliquer clairement comment les descripteurs sélectionnés ont été mis en œuvre lors du recrutement des participants, de la conception de l’étude, de l’analyse et de l’interprétation des données.
- Dans la mesure du possible, tous les groupes d’ascendance génétique doivent être inclus dans les analyses ; si des groupes sont exclus, cela doit être justifié de manière adéquate sur le plan scientifique.
- Les sections Discussion et Conclusion doivent expliquer comment l’utilisation de populations catégorisées par des descripteurs de population a influencé l’interprétation des données de l’étude et les conclusions tirées, y compris si cela n’est pas connu.
- Les sections Discussion et Conclusion doivent expliquer comment les analyses stratifiées utilisant les descripteurs de population sélectionnés affectent la généralisation des résultats de l’étude à d’autres populations.
- Lors de l’utilisation d’anciens ensembles de données, il peut être impossible de dériver et d’utiliser des mesures plus précises des groupes d’ascendance génétique. Dans ce cas, les auteurs doivent expliquer les limites de l’ensemble de données et les effets de ces limites sur l’analyse et l’interprétation des données.
- En règle générale, les titres et les sections « Conclusion » doivent éviter d’inclure la race et l’ethnicité en tant que descripteurs de population pour les groupes d’ascendance génétique. Cette utilisation peut être appropriée pour les études portant sur des populations historiquement isolées ou sur les disparités en matière de soins de santé, où les constructions sociales de la race et de l’ethnicité contribuent de manière importante aux résultats.
5 commentaires
Un sujet peut-il être « sensible » et rester scientifique ? La science peut-elle se soucier des idéologies en vigueur dans la société d’une région et d’une époque donnée sans perdre son exigence de rationalité ? La plupart des plus grands penseurs scientifiques, comme Galilée, ont eu à affronter ces questions.
Les descripteurs populationnels ont, de tout temps, été un problème scientifique empêtré dans des préjugés sociaux, des doctrines théologiques, des suppositions erronées, et surtout une grave ignorance de la biologie des caractères héritables et de leur signification pronostique en santé.
Ces errements sont malheureusement toujours à l’oeuvre, et les principes bien-pensants concoctés au Etats-Unis n’y échappent pas, inspirés par une exigence de progrès moral plutôt que scientifique. Il me semble que leur préoccupation, assurément très légitime, est autant d’exercer un contrôle politique que d’inciter à établir des connaissances scientifiques dont on manque cruellement.
Rien de nouveau sous le soleil : c’est là l’histoire de la science depuis toujours.
Bonjour,
Je pense au contraire que cette initiative dépasse très largement le concept de « principes bien-pensants ». Il se trouve que les médecins sont en général très ignorants des données de l’anthropologie biologique (non enseignées dans cette filières) et utilisent des termes à tort et à travers, termes qui sont archaïques et dépassés, et relèvent de la science du 19e siècle. Exemple, le terme de « race » est encore cité dans ce texte. Tous les anthropologues savant qu’il n’y a pas de races humaines, et parlent d’ancestry ». Combien de fois trouvons-nous le mot « causasien » dans un article médical? Ce terme inadéquat a été inventé par Blumenbach car il trouvait que les habitants de je ne sais plus quelle partie du Causase etaient les plus « beaux » parmi les « blancs ».
La solution serait de former les médecins à l’anthropologie biologique et à la diversité humaine, non par d’autres médecins mais par des anthropologistes biologiques aux connaissances bien actuelles. Aussi les médecins devraient avoir la modestie de réaliser que leurs connaissances en la matière nécessitent un approfondissement.
Stéphane Louryan, professeur émérite d’anatomie et d’embryologie à Bruxelles, président de la Société royale belge d’Anthropologie et de Préhistoire.
Bonjour,
merci pour ce commentaire, et je vous suis. Il se trouve que j’ai eu quelques réactions de collègues français qui ne comprennent pas ces réflexions et mouvements. Oui, peut-être anglo-saxons, mais je suis persuadé qu’il faut en tenir compte. Il faudra du temps.
Cordialement
La variabilité génétique, de moins en moins corrélée à l’aire géographique, et, enfin!, la baisse de la surreprésentation, tant médicale que béotienne, de l’impact des déterminants génétique sur la santé au profit du comportemento-socio-envorinnemental rend la question de moins en moins d’actualité.
L’origine, « ancestry »:
– son receuil ne devrait être fait qu’en cas d’absence d’études antérieures consistantes éliminant un impact ;
– les données ne devraient être fournies dans les caractéristiques de l’échantillon étudié que si des arguments préalables, théoriques ou expérimentaux, le justifie;
– et leur inclusion comme confounders uniquement si un impact dans l’échantillon est confirmé;
– sinon une analyse exploratoire en sous-groupes ou ajustement devra être réalisée avec sa puissance post-hoc;
– la discussion devra tenir compte des déterminants comportemento-socio-envorinnementaux associés.
La superposition tant des caractéristiques phénotypiques socialement visibles, que des représentations culturelles intrinsèques au lecteur, voire l’auteur, ou que l’appartenance à une catégoeire sociale différenciée rend le sujet à la fois populationnellement épidermique, de généralisation douteuse et facilement biaisé et impose une rigeur méthodologique d’airain.
Merci pour apporter des compléments utiles. MERCI
Cdlmt