Cet ouvrage avec pour titre ‘Les faux savants’ est centré sur le thème du viro-dénialisme… Avec un sous-titre ‘Plongée au coeur du complotisme scientifique’. Il existe de nombreux groupes de complotistes qui interagissent sur la toile, et l’on ne connaît pas probablement tous les thèmes dont se saisissent les agitateurs. Il y a les géocentristes (le soleil tourne autour de la terre), les platistes (la terre est plate), les créationnistes et bien d’autres. L’auteur, Laurent Foiry, est docteur en génétique moléculaire et biologiste, ce qui lui permet de bien évaluer les discussions et de référencer ses descriptions scientifiques.
Une enquête minutieuse qui fait très peur
L’avantage du livre, c’est que le sujet est précis : le viro-dénialisme que l’auteur nous fait découvrir. Ces mouvements viennent de loin, en particulier des controverses entre Louis Pasteur et Antoine Béchamp (page 23). Le béchampisme considère que la théorie des germes est une fraude scientifique : 1) les maladies ne sont pas contagieuses ; 2) ce que les scientifiques ont appelé virus ou bactérie sont en réalité des microzymas ; 3) « le microbe n’est rien, le terrain est tout ». Ces théories sont expliquées et je vous passe les détails que vous pourrez découvrir : c’est intéressant de voir ces logiques pas très rationnelles qui arrivent à convaincre des crédules.
Il est même possible d’être viro-dénialiste et anti-vaccin : un comble ! Ces viro-dénialistes sont plutôt des personnes éduquées qui savent manipuler. L’ouvrage décrit tous les débats sur les réseaux sociaux de ces groupes et des noms connus apparaissent. Samuel Eckert (pages 86 et 87), un allemand, fait des ‘live’ qui peuvent durer six heures et rassembler 20 000 personnes ! Les messages partent dans tous les sens, les dons arrivent, même s’il lui est interdit de se produire dans des églises adventistes. Les anthroposophes, avec Steiner, apparaissent aussi dans ces mouvements… et les jargons de ces groupes sont obscurs pour moi, mais bien décrits par l’auteur. Il y a de l’argent qui circule avec le conspi-business, un chirurgien savoyard, des nostalgiques des gilets jaunes, etc… et bien sûr le VIH n’existe pas…
Le dénialisme repose (page 76-77) sur le rejet de la méthode scientifique, l’utilisation de preuves sélectives ou erronées, l’utilisation d’arguments fallacieux, la négation du consensus scientifique, et l’implication de motivations cachées.
J’ai été impressionné par les pratiques de ces viro-dénialistes, qui sont éduqués et savent tromper. Un bon exemple est le procès Lanka-Bardens (page 126-127), ou le vrai faux argument judiciaire des dénialistes. C’est une histoire qui montre le comportement machiavélique de ces dénialistes : cela fait peur et ils sont supérieurs à nous tous dans les échanges… avec un refus de la confrontation.
Dans le chapitre 7, Le terreau de la défiance, bonne description des dérives des publications scientifiques. C’est bien expliqué, avec mention de la rétractation de l’article ROR et autisme (A Wakefield). Puis un chapitre sur le dénialisme qui prospère encore. Comment lutter ? Pas si simple, et l’auteur reprend justement le rapport Bronner, Les lumières à l’ère numérique.
Quelle est l’ampleur du phénomène et peut-on lutter ?
Sectes, jeûnes sous toutes leurs formes, élites corrompues, ignorance des photos de virus, maladies des Nobel (dont Luc Montagnier), explications sur les maladies virales (Sida causé par le chemsex, COVID et 5G,… tout y est. Ce livre m’en rappelle d’autres, dont celui de William Audureau qui a dialogué avec des complotistes pendant la pandémie COVID-19, avec pour titre ‘Dans la tête des complotistes‘. Nous sommes dans une époque des fake news, de la post-vérité, des faits alternatifs… et nous nous imaginons que l’on pourra revenir en arrière….
L’auteur a les compétences pour bien analyser les arguments des viro-dénialistes et il a su vulgariser les questions scientifiques pour un large public. BRAVO.