Publication en janvier 2016 d'une étude présentée partiellement lors du peer-review congress de Chicago en 2013. Les auteurs sont les mêmes sur l'abstract de 2013 et la publication de 2016 : bravo, si vous voyez ce que je veux dire (trop souvent les auteurs changent entre abstract de congrès et publication) !!!
Le titre de cet article publié le 26 janvier 2016 dans Trials : Characterisation of trials where marketing purposes have been influential in study design: a descriptive study. V Barbour (groupe PLOS) est la première auteure que l'on peut féliciter pour cet excellent travail. Elle a été présidente de COPE (Committee On Publication Ethics). Cet article de 10 pages, sans les annexes nombreuses, est riche en idée, interprétation, mais très sage : ne pas accuser l'industrie rapidement, mais reconnaître l'utilité de ces essais.
La méthodologie est rigoureuses avec 6 investigateurs qui ont confronté leurs analyses des essais contrôlés randomisés (ECR) publiés en 2011 par 6 revues : Annals of Intern Med, BMJ, JAMA, Lancet, NEJM, PLOS Medicine. Il s'agit d'essais de médicaments, essentiellement des phases 3 ou plus, sans inclure les autres produits de santé. Les 6 investigateurs ont classé 194 ERC en essais 'marketing' (groupe YES), essais' non-marketing' (groupe NO), et essais 'peut-être' (groupe MAYBE) sur des critères prédéfinis : 1) engagement de l'industriel dans le study design ; 2) dans l'analyse des données ; 3) dans les comptes rendus des essais ; 4) recrutement de petits nombres de patients dans de nombreux centres pour une maladie commune ; 5) abstracts trompeurs ne reportant pas les données cliniques pertinentes ; 6) conclusions sur des critères secondaires ou de substitution.
Les résultats principaux factuels :
- 41/194 (21 %) étaient YES, 14 (7 %) MAYBE et 139 (72 %) étaient NO ;
- il y avait plus d'auteurs de l'industrie dans les YES ;
- par de différences entre les nombres de patients inclus, mais le nombre médian de centres investigateurs était de 171 pour les YES, versus 13 pour les NO ;
- les YES n'avaient pas plus de critères de substitution ou de critères composites ;
- les YES étaient mieux reportés, avec de meilleures précisions sur l'aveugle, les critères de sécurité et les effets adverses ;
- les YES proposaient plus souvent d'utiliser l'intervention testée.
De manière factuelle, les essais de type 'seeding' ont plus de centres recrutant chacun moins de patients, mais ils sont plus chers, et en général mieux rapportés…. Autres observation : parmi les 41 essais YES (dons seeding trials), 21 étaient dans le NEJM, 18 dans The Lancet, 1 dans JAMA, 1 dans Annals et zéro dans BMJ et PLOS Medicine.
Les interpétations et explications sont multifactorielles, et méritent lecture attentive dans cet article : nous avons peut-être besoin de ce type d'essai quand ils sont de qualité ! Surtout pas de conclusions aggressives de lobbies antipharma… car il n'y a pas d'arguments. Grande sagesse de la discussion de l'article.
PS : article corrigé le 22 février (21h30) suite au commentaire ci-dessous signalant une erreur. Avec mes excuses pour les lecteurs, et mes remerciements pour le commentaire
Un commentaire
Bonjour,
Je pense que votre compte-rendu de l’article que vous présentez est approximatif et partial.
Le titre pourrait laisser croire que seuls 20% des essais randomisés de phase III publiés dans les revues prestigieuses ont des objectifs marketing.
En réalité l ’objectif de l’étude était de savoir si on pouvait identifier des caractéristiques qui montraient qu’un essai randomisé de phase III pour un médicament était dès la conception, imaginé pour répondre à des objectifs marketing. La première remarque c’est que si un essai clinique de phase III est conçu pour répondre à des objectifs marketing, il ne peut répondre à sa finalité première , qui est d’évaluer de manière impartiale l’efficacité d’un médicament et de donner une première approche du rapport bénéfice-risque. Ce n’est peut-être pas clair pour vous (comme pour beaucoup de personnes, médecins, leaders d’opinion ou autres, ayant des conflits d’intérêts) mais cela l’est pour moi : on ne peut évaluer correctement un médicament si la finalité première est de répondre à des objectifs marketing, ce qui revient à vouloir vendre et rentabiliser ce médicament à tout prix et quel que soit son intérêt réel pour le patient. Le contre-exemple donné dans l’article est celui d’un médicament qui ayant déjà fait l’objet d’une évaluation complète et y compris de méta-analyses démontrant, apparemment, son efficacité, n’avait pourtant pas été adopté dans la pratique du fait d’une promotion insuffisante . Cet exemple ne fait que démontrer l’importance du marketing et des essais cliniques, biaisés ou non,pour influencer les pratiques des médecins et non l’intérêt des études conçues dans un but marketing pour informer le choix des médecins et des patients.
Vous écrivez aussi : « Les 6 investigateurs ont classé 194 ERC en essais industriels (groupe YES), essais non-industriels (groupe NO), et essais ‘peut-être’ (groupe MAYBE) » Je ne suis pas d’accord. Le terme essais industriels ne convient pas. Il s’agissait de savoir si la conception même des essais était destinées à répondre à un objectif marketing : « Six investigators independently reviewed all publications, characterising them as YES/MAYBE/NO suspected marketing trials, and then met to reach consensus. »
Si on regarde les chiffres il y a un critère majeur qui se dégage pour apprécier si un essai est biaisé dès la conception en faveur d’un objectif marketing, c’est son financement, puisqu’on nous dit que les 41 essais YES et les 14 essais MAYBE étaient financés par l’industrie pharmaceutique et 37% des 139 études NO, soit 51 études. Il en ressort qu’un essai financé par l’industrie pharmaceutique a ENVIRON UNE CHANCE SUR DEUX D’ETRE PROBABLEMENT BIAISE DES SA CONCEPTION EN FAVEUR D’OBJECTIFS MARKETING.
Dernier point, les auteurs signalent qu’ils n’ont pas accès aux données brutes des essais. On sait que ceci est aussi une source importante de biais, une étude pouvant présenter toutes les apparences d’une méthodologie irréprochable (c’est bien le travail des CRO qui prennent en charge ces études, ce sont des professionnels dont le but est de mettre toutes les chances du côté de leur client) tout en occultant des données qui seraient en contradiction avec les intérêts du promoteur ou en « travaillant « les critères de jugement de manière à occulter des effets indésirables. Comme cela fut le cas pour le Vioxx par exemple, ou comme cela a été le cas aussi dans les évaluations des anti-dépresseurs ou le conduites suicidaires des sujets ont été traduites en « labilité émotionnelle » dans les compte-rendus d’essais publiés.
Donc, il est bien clair que 20% représente une fourchette basse et n’explore qu’une partie des biais provoqués par les objectifs marketing dans les essais cliniques, ceux qui touchent à la conception et qui sont visibles par la simple analyse des études puibliées.
La multiplication des centres d’essais trouve des explications simples et logiques si on l’envisage du point de vue de l’intérêt marketing et non scientifique des essais.
Les multinationales pharmaceutiques veulent commercialiser le plus rapidement possibles des molécules de moins en moins bien testées dans le plus de pays possible. La multiplication des centres d’essais permet de préparer le terrain et de conditionner les médecins, hospitaliers, en particulier, à l’arrivée de ces nouveaux médicaments. L’hôpital sert ensuite de tremplin à ces molécules à l’intérêt limité, comme ce fut le cas pour l’Inexium, exoméprazole qui remplaça le Mopral, oméprazole, beaucoup moins cher sans apporter aucun bénéfice supplémentaire, mais comme c’est surtout le cas pour tous les médicaments de niche, en particulier les biomédicaments , au prix exorbitant. Ces relations nouées par les professionnels de la vente et du marketing que sont les CRO avec des médecins hospitaliers auront aussi une utilité certaine dans les études de phase IV comme ce fut le cas pour le vaccin HPV, par exemple, pour lequel la majorité des études phase IV ont été menées par des médecins de divers pays ayant déjà participé, et ayant été rémunérés pour des études de phase III.
L’autre intérêt de la multiplication des cetnres est d’hypersélectionner des sous parties de populations de maladies communes, sous populations choisies de telle sorte qu’elles garantissent un résultat positif, afin obtenir l’AMM ou modifier les recommandations, et étendre ensuite les indications officielles (c’est un travail continuel et très payant auprès des agences de régulation) ou bien promouvoir officieusement des indications pour l’ensemble de la population souffrant de cette condition commune en utilisant l’argument du succès dans l’étude sans préciser que celle-ci s’appliquait à une sous population hypersélectionnée.
Vous vous souciez des « conclusions aggressives de lobbies antipharma ». Si ce lobbying existe, comme vous le prétendez, ce qui sous entend que sa principale raison d’être serait de s’opposer aux pharmas sans raison valable, il s’avère, dans les faits, qu’il est beaucoup moins efficace que le lobbying pro-pharma, qui, lui, est en train de démanteler, progressivement mais sûrement, l’ensemble de la régulation concernant les médicaments, avec des conséquences néfastes de plus en plus visibles.
Voir, à cet égard les inquiétudes du magazine Forbes au sujet de l’augmentation du taux d’approbation et de l’accélération constante des procédures d’AMM http://www.forbes.com/sites/matthewherper/2015/08/25/nine-explanations-for-why-the-fda-is-approving-almost-every-new-drug-application/. Il n’est pas habituel qu’un magazine aussi libéral que Forbes se pose des questions au sujet de l’absence de régulation des mises sur le marché des médicaments.
Voir aussi les 74 médicaments a écarter tels que définis par Prescrire en 2016 http://www.prescrire.org/Fr/109/652/51546/4563/ReportDetails.aspx . Médicament à écarter car plus dangéreux qu’utiles . Et également les conséquences visibles du démantélement de la régulation et des biais introduits dans les essais cliniques que sont les retraits de plus en plus fréquents den nouveaux médicaments, non sans qu’ils aient le temps de faire quelques dégâts.