J’ai évoqué hier les revues de piètre qualité sans m’expliquer… voici les informations
Il n’y a pas que les revues prédatrices
Nous avons présenté en avril 2022 un rapport de IAP (The InterAcademy Partnership), à savoir le réseau d’environ 150 Académies des sciences. Ce rapport, avec un résumé en français, avait pour titre ‘Lutter contre les revues et conférences prédatrices‘. Après deux ans de travail, ce rapport présentait un spectre un peu compliqué des revues avec 7 catégories : ‘frauduleux, trompeur, faible qualité inacceptable, faible qualité, faible qualité prometteuse, qualité douteuse et qualité’.
Trois catégories de revues ‘Frauduleux’ ‘Piètre qualité’ et ‘Qualité’
La boite à outils sur la science ouverte est un document de 94 pages qui complète la recommandation de l’UNESCO sur la science ouverte. Les pages 88 à 92 se veulent être un résumé du document IAP avec des iconographies nouvelles, dont celle reprise ci-dessous.
Cette classification en 3 groupes me semble claire, tout en reconnaissant que les frontières sont parfois floues, voire que des revues peuvent passer d’un groupe à l’autre. C’est ce que j’évoquais hier avec la revue de piètre qualité Biomedicine & Pharmacotherapy qui la ongtemps appartenu au groupe ‘Qualité’.
Dans le groupe ‘Frauduleux’, ce sont les vrais prédateurs qui publient tout en 2 à 3 semaines contre 100 à 500 $. Le groupe Fortune où publient les pieds nickelés affiliés à Raoult en est un exemple, mais il y aurait environ 16 000 revues prédatrices selon Cabells.
Dans le groupe ‘Qualité’, ce sont la plupart des revues sous l’égide de Sociétés savantes et des revues ayant des rédacteurs scientifiques temps plein, par exemple les groupes de revues Nature, JAMA, Lancet, Cell et bien d’autres. Les frais de traitement de articles (FTAs) sont élevés : de 3 ou 4 000 à 10 000 $. Ces FTAs ont tendance à augmenter de 7 à 8 % par an. Des revues dites diamant (ni les auteurs, ni les lecteurs payent) sont souvent dans ce groupe.
Le groupe dit ‘Piètre qualité’ englobe des revues aussi appelées revues de complaisance. Ce sont des éditeurs qui privilégient le volume des publications sur la qualité. Ils ont des FTAs parfois intermédiaires, de type 1 500 à 3 000 $… mais parfois beaucoup plus. Attention, ces revues ne sont pas uniquement publiées par deux groupes suisses hégémoniques dans ce domaine. La plupart des éditeurs dits légitimes ont soit transformé des revues (le plus simple), soit créé des revues de piètre qualité. Nous avons détaillé la destinée regrettable de la revue Biomedicine & Pharmacotherapy… une revue autrefois de qualité qui a été au cours du temps transformée en un truc qui publie en deux mois contre 3 500 $, et qui retire près d’une cinquantaine d’articles par an… Business lucratif qui nuit à la science. B & P a été fondée par G Mathé, et la relecture par les pairs devait être faite correctement ; les rédacteurs n’étaient pas soumis à des pressions mercantiles ; les revenus (abonnements) ne dépendaient pas du nombre d’articles acceptés.
Pourquoi ces revues de piètre qualité pullulent ?
Attention, ces revues publient de bons et de mauvais articles. L’évaluation par les pairs n’est pas suffisante. Rappelons la politique des numéros spéciaux qui pullulent et augmentent rapidement les volumes de publications...
Le rapport de l’UNESCO reprend l’IAP pour évoquer trois facteurs qui ont changé la diffusion des résultats de la recherche :
- Monétisation des résultats de la recherche, plaçant les intérêts commerciaux avant l’intégrité, en particulier le système dit ’Auteur-Payeur’, car il s’agit de payer seulement et tout roule.
- Évaluation de la recherche et des carrières avec des outils privilégiant la quantité sur la qualité ; la pression sur les chercheurs est forte.
- Faiblesses du système d’examen par les pairs (peer-review) qui est opaque, manque de formation, de moyens, de reconnaissance des relecteurs… travail à la va-vite sans rigueur.
- Je rajoute un quatrième facteur : la faible influence sur le système des publications du milieu académique et des Sociétés savantes qui devraient être les garants du savoir, comme cela a existé depuis 1665…. Abandon du pouvoir à des acteurs mercantiles… Sera-t-il possible de reprendre la main ?
3 commentaires
On attend toujours une labellisation internationale officielle (un Nutriscore pour bien nourrir notre savoir).
Faut-il croire qu’il gênerait bien du monde ?
Document de ‘policy’ très riche, qui vient en effet compléter celui de l’IAP. On regrette toutefois l’absence d’une liste de référence qui serait mise à jour régulièrement. C’est d’autant plus nécéssaire qu’avec leurs différentes acquisitions, le label d’éditeurs comme Elsevier ou Nature n’est pas un indicateur de qualité.
Merci à tous deux. Une labellisation / certification des revues viendra un jour !!! L’IAP pourrait être à l’initiative, car il faut que les chercheurs, les sociétés savantes reprennent la main…